Le matamore – L’édito de Patrice Chabanet
Il vitupère, il menace, il donne des leçons : le registre d’Erdogan est bien connu. Son cœur de cible aujourd’hui : la France. Il lui reproche son soutien à la Grèce dans le contentieux qui oppose cette dernière à Ankara à propos des zones d’exploration d’hydrocarbure. La vente annoncée de 18 Rafale et de quatre vedettes à Athènes ne peut qu’attiser sa colère. Mais avec le leader turc, en plein délire ottoman, ne pas répondre concrètement à ses foucades revient à céder. Il nargue la communauté internationale en brisant, par exemple, l’embargo imposé au gouvernement de Tripoli. Il rend à la religion musulmane l’église Sainte-Sophie d’Istanbul et, dans la même ville, l’église Saint-Sauveur-in-Chora. Bref, Erdogan attaque sur tous les fronts. En cela, il cède à la pression des nationalistes et des intégristes de son pays. Une façon de reléguer au second plan la grave crise économique que traverse la Turquie et de se maintenir au pouvoir.
On peut donc s’attendre à de nouvelles provocations dans ce qui ressemble à une fuite en avant. Au demeurant, le conflit gréco-turc n’est pas nouveau. La Grèce a été occupée par la Turquie pendant des siècles. Cela laisse des traces. Pour autant, Erdogan sait qu’il ne peut pas aller trop loin. La Russie soutient Ankara quand elle y trouve un intérêt stratégique, à savoir approfondir les dissensions au sein de l’Otan. Mais l’islamisation d’églises chrétiennes en Turquie est condamnée par les orthodoxes russes qui, pour le coup, soutiennent leurs homologues grecs. De quoi calmer les ardeurs d’Erdogan. Mais peut-on retenir le bras d’un mégalomane ? La question reste largement ouverte.