Le marché couvert bragard doit prendre soin des chauves-souris
Une colonie de chauves-souris est installée dans les caves, sous le marché couvert de Saint-Dizier. Le projet de démolition et reconstruction de la structure est revu pour les déranger le moins possible. Des associations de protection de la nature surveillent le développement de la démarche.
« Notre rôle est de surveiller et de s’assurer que tout se passe comme prévu », affirme Christophe Hervé, directeur de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) de Champagne-Ardenne. Mardi 9 juillet, cette association était conviée, avec le Conservatoire d’espaces naturels (CEN) de Champagne-Ardenne, à une restitution du travail de la Ville et des architectes au sujet du marché couvert.
Voilà ce qui pose problème : la présence d’une colonie de plus de 200 chauves-souris dans les caves souterraines. Les grands murins, en l’occurrence, sont une espèce protégée. Les associations ont alerté la Ville sur le dérangement que des travaux pourraient engendrer sur cette espèce.
Jusqu’alors, la communication laissait à désirer. « Depuis trois ou quatre ans, on s’inquiétait un peu. Quand je posais des questions, j’avais l’impression de déranger », se désole Yohann Brouillard, du CEN. « On n’avait pas d’informations précises. » Dorénavant, le chargé de mission Aube – Haute-Marne apprécie l’effort de transparence. Christophe Hervé partage cet avis.
Les poteaux intérieurs supprimés
La réunion était l’occasion de mettre les choses au clair. Christophe Aubertin, un architecte du collectif nancéien Studiolada en charge de la conception du nouveau marché, a présenté le projet actuel. Pour tenir compte des chauves-souris, les plans ont subi quelques modifications. « On a enlevé les poteaux intérieurs », décrit l’architecte. Ainsi, inutile de forer dans les caves. « A la place, il y aura de grandes poutres en bois qui porteront sur 28 m. » Les seuls poteaux sont situés autour des caves. Christophe Aubertin a rassuré sur d’autres points. « On garde le dallage actuel. La déconstruction se fera au-dessus, et par grignotage. Nous ne ferons que quelques saignées pour les grilles avaloir. De plus, l’entrée et la sortie des caves ne changent pas. » Et à l’architecte de conclure : « C’est un compromis, à la fois au niveau du projet d’urbanisme et du travail pour tenir compte des chauves-souris. »
Pas de gros travaux pendant la reproduction
Malgré tout, le calendrier des travaux est un point sensible. Petite précision : les animaux nocturnes ne sont pas toute l’année dans les caves. Florent Auneau, consultant pour la Ville, a rassemblé des données depuis 2013, et surtout 2016. En moyenne, en été, plus de 200 individus sont observés. On en compte 296, au 7 juin 2017. D’avril à août, les grands murins prennent possession des caves pour leur reproduction. Au contraire, en hiver, une poignée de chauves-souris est recensée. La moyenne, pendant cette saison, se chiffre à 7.
C’est pour cela qu’il faut éviter les gros travaux en été. Mais la Ville a assuré le coup. La déconstruction est prévue pour décembre. De mars à août, il n’y aura pas d’ « interventions significatives (…) de la mise bas jusqu’à l’émancipation des jeunes », comme le précise une lettre de la mairie à Etienne Clément, président de la LPO. Evidemment, ce calendrier devra être respecté. Christophe Hervé a d’autres réserves : « Je préférerais que les travaux commencent dès l’automne. Même s’il reste quelques femelles, elles auront la capacité de s’en aller. Alors qu’en hiver, quand elles sont en léthargie, ça pourrait faire plus de dégâts. » Pourtant, il comprend aussi que des délais administratifs contraignent la Ville à ne commencer qu’en décembre. Pour le moment, le rôle de la LPO et du CEN est de surveiller l’avancement. Ils sont d’ailleurs conviés à une nouvelle réunion fin septembre.
Clotilde Percheminier
c.percheminier@jhm.fr
Les grands murins
Comme toutes les chauves-souris, les grands murins sont une espèce en déclin. « Les gîtes d’accueil disparaissent petit à petit, ainsi que les ressources alimentaires. On est donc très très vigilants », détaille Etienne Clément, président de la LPO. Ces animaux font quand même la taille « d’un étourneau », précise Christophe Hervé, le directeur. Elles recherchent la tranquillité et des conditions stables.
Chaque femelle ne donne naissance qu’à un jeune par an. Après la mise bas, il ne vole pas et reste accroché à sa mère pendant six semaines. Une période sensible : tout décrochement est fatal. A partir de l’automne et hiver, la colonie se disperse. Où va-t-elle ? C’est une grande inconnue, même pour les spécialistes. « On ne sait pas exactement où vont les grands murins en hiver », confirme Aurélie Stoetzel, chargée d’études chiroptères au CEN.
« Il faudra des éléments tangibles »
Etienne Clément, président de la LPO, a été interviewé le 21 juin, avant la restitution présentée en réunion. Il était déjà satisfait du travail de la mairie. Et continue de suivre l’affaire. « La commune a pris les choses par le bon bout. Les choses ne sont jamais garanties à 100 %, mais nous, en tant qu’association, nous le savons. » L’homme a écrit à la Ville le 11 février et une réponse lui a été faite le 19 mars. Une note de Florent Auneau y indique les comptages qu’il a effectués. Mais précise aussi les mesures prises pour éviter le dérangement, dont les dates de travaux. « Il faudra des éléments tangibles. On pourra dire qu’il n’y a pas eu de dérangement avec des comptages précis avant travaux et après », relativise-t-il.