Chez les Clerget, « le judo a pris un peu le dessus sur la vie de famille »
LE SPORT, UNE HISTOIRE DE FAMILLE (épisode 3 : les judokas de la famille Clerget). Alors que le forum Associativa se tient ce samedi 3 septembre, dans l’ancien Décathlon, jhm quotidien revient sur ces familles bragardes indissociables de leur club sportif. Dernière rencontre, aujourd’hui, avec les judokas de la famille Clerget.
Et si Axel Clerget devait son titre olympique aux grèves de mai 68 ? Le raccourci est sûrement trop facile, mais c’est pourtant bien cette année-là que tout commence. « A ce moment-là, les écoles étaient fermées », se souvient Francis Clerget, le père du champion olympique. « Un enseignant de notre collège, à Nogent, a proposé de faire du judo à la place des cours. Il nous a montré les bases, quelques prises, comment tomber… »
« Les enfants sont tombés dans la marmite quand ils étaient jeunes »
L’année suivante, Agnès, qui deviendra son épouse, le rejoint. « Je n’ai pas tout de suite adhéré au judo, parce que je faisais du hand. Le judo, c’était juste pour m’aérer la tête », explique-t-elle. « On était internes, donc ça nous occupait », complète Francis Clerget. « J’ai toujours voulu faire un sport de combat pour l’engagement personnel, mais je pensais plus à la boxe. Comme il n’y en avait pas, je me suis mis au judo. »
« Le mercredi et le week-end, je courais comme un dingue pour le judo »
Quelques années plus tard, le jeune couple décroche sa ceinture noire. Puis se lance dans l’arbitrage et l’enseignement, afin de développer le club. « A ce moment-là, j’étais à Paris avec l’équipe de France. Le mercredi et le week-end, je courais comme un dingue pour le judo à Nogent », souligne Francis, qui offrait déjà tout son temps à son sport. Puis le club de Marnaval a eu besoin d’un entraîneur. Agnès étant déjà professeur d’EPS dans les environs, Francis accepte le poste.
Et les enfants sont arrivés. Chloé, d’abord, en 1984. Puis les deux frères, Axel, en 1987 et Arthur en 1992. Une période difficile pour les Clerget. « De 1980 à 1990, j’étais travailleur indépendant. Financièrement, c’était très compliqué. On a dû sacrifier beaucoup de choses pendant dix ans pour le judo », évoque Francis, qui se fera alors embaucher par la Ville de Saint-Dizier. De quoi mener plus sereinement ses projets.
« A la maison, ça parlait beaucoup judo »
Les années faisant, les enfants sont venus petit à petit au judo eux aussi. Après avoir fait de la natation et de l’athlétisme, c’est vers le judo que leur choix s’est porté. Et très vite, les résultats sont arrivés, au niveau national comme international. Alors forcément, « à la maison, ça parlait beaucoup judo. Ça a un peu pris le dessus sur la vie de famille », reconnaît Francis. « Jusqu’à l’overdose, même ! », lance Agnès Clerget. « Un jour, je me suis levée de table et je suis partie en leur disant : “Je reviendrai quand vous arrêterez de parler de judo”. »
Si aujourd’hui, Agnès réfute le terme de « sacrifices », elle reconnaît aussi que laisser partir ses enfants à 16 ans, pour poursuivre des études dans des pôles espoirs a été compliqué. « Mais c’était pour la bonne cause », affirme-t-elle. Les enfants, eux, n’ont aujourd’hui pas le même regard sur cette enfance marquée par le judo.
« Le judo a toujours été un énorme lien entre nous »
« On passait nos vacances en famille sur les lieux de stage de nos parents et ce n’était pas pour nous déplaire ! », se remémore Chloé. « Le judo a toujours été un énorme lien entre nous. Nous avons sillonné la France pour les compétitions des uns et des autres, avec papa en coach et maman en supportrice. Il y a eu des moments de déception pas toujours faciles à vivre, mais avec du recul, on retient surtout les bons moments. Cela nous a permis d’être proches et soudés. »
Tellement proches les uns des autres, qu’un jour de championnat de France, alors que Chloé et Axel combattaient sur deux tatamis adjacents, la grande sœur, en plein combat, s’est tournée vers son petit frère pour voir où il en était. Alors qu’elle gagnait son combat, son adversaire en a profité pour s’imposer. « Elle était plus dans le combat de son frère que dans le sien ! », sourit Agnès Clerget.
« On essaie de prendre un peu de recul »
« Aujourd’hui, on essaie de prendre un peu de recul et de se concentrer un peu plus sur la vie de famille », conclut Francis Clerget. « Il faut aussi penser à nous et à nos proches… Même si le judo est toujours un peu là. » Pour Axel, en tout cas, qui vise désormais l’or olympique en individuel, après son sacre par équipe. Chloé, maman de deux enfants qui n’ont « pas accroché » au judo, s’est éloignée des tatamis. Quant à Arthur, privé de compétition après des problèmes médicaux, est psychomotricien et anime des stages pour mieux pratiquer le judo en protégeant son corps.
Preuve, s’il en était besoin, que le judo fait bien partie de l’ADN des Clerget. « Les enfants sont tombés dans la marmite quand ils étaient jeunes », conclut Agnès Clerget. « Alors, on ne peut pas couper comme ça du jour au lendemain. C’est entré dans les gènes… »
P.-J. P.