Le gîte et le couvert pour les insectes
Responsable de l’animation et de l’éducation à l’environnement au sein de la LPO de Champagne-Ardenne, Sylvie Dewasme nous explique l’importance de créer, dans nos jardins, des petits gîtes à insectes.
Le Journal de la Haute-Marne : Quand on parle de nichoirs, d’abris, on pense aux oiseaux. En quoi est-ce aussi important pour les insectes ?
Sylvie Dewasme : Comme les oiseaux, comme toute la biodiversité en général, les insectes sont en déclin très important. Une des causes, c’est le manque de nourriture. On le voit, en ce moment, tout le monde ressort les tondeuses… La moindre pâquerette, le moindre pissenlit qui sort de la pelouse aura la tête tranchée… Le problème, c’est qu’il n’y a plus d’habitat et plus de sources de nourriture pour nos insectes. Les abris à insectes ne répondent pas au problème de la nourriture. Il ne faut pas se dire qu’on va sauver des insectes en ne leur offrant que le gîte… et pas le couvert.
Le J.H.M : Quels sont les conseils pour justement préserver l’alimentation des insectes dans nos jardins ?
S. D. : Il faut éviter de vouloir tout contrôler. Même si on tond son jardin, il faut laisser des endroits où peut pousser de la flore spontanée et lui laisser faire son cycle : fleurir, monter en graine… les pâquerettes, les pissenlits et ce qu’on appelle les orties blanches, les lamiers blancs, les lamiers pourpres, bientôt il y aura le lierre terrestre qui sont très importants pour les insectes notamment les abeilles. Pas besoin d’avoir une pelouse anglaise dans tout son jardin… Mais, on peut prévoir de laisser des zones un peu plus sauvages. Tous ces petits insectes importants pour la biodiversité sont en train de sortir d’hivernage… Ils se dépêchent tout de suite de construire leur nid, de nourrir leurs petits, s’il n’y a pas de nourriture, les hôtels insectes resteront vides.
Le J.H.M : dans quels cas, les abris à insectes sont nécessaires ?
S. D. : Dans les endroits où il n’y a pas le bâti traditionnel avec des vieilles poutres, du torchis, avec des murs de pierres sèches qui offrent plein de petites anfractuosités qui permettent aux insectes de s’abriter. Quand on n’a pas ça, il est très utile d’installer des gîtes à insectes.
Le J.H.M. : Pourquoi les insectes ont aussi besoin d’abris ?
S. D. : Ils s’en servent pour plusieurs étapes de leur vie. En ce moment, c’est la nidification. Vous avez des insectes qui vont utiliser des petites cavités artificielles. Exemple avec les abeilles qui vont faire leur stock de pollen, pondre leurs œufs dans des petits trous. Il y a la nidification qui commence dès le mois de février et mars. Mais, ce qu’il faut savoir c’est que les larves qui sont dans ces petits abris mettent une année entière avant de se transformer en adulte. Il y a beaucoup d’insectes qui ont besoin de gîtes aussi pour l’hiver… Ils sont paralysés par le froid et doivent aussi se mettre à l’abri des prédateurs.
Le J.H.M : Qu’est-ce qu’on trouve familièrement comme insectes dans nos jardins ?
S. D. : Il y en a des milliers qui appartiennent à différentes familles. Les guêpes, les fourmis, les abeilles font partie des hyménoptères ; il y a les coléoptères ; des diptères comme les moustiques mais aussi ces petits syrphes, ces petites mouches déguisées en guêpe qui sont aussi des auxiliaires du jardinier. Il y a aussi les perce-oreilles qui consomment beaucoup de pucerons. Petit plaidoyer aussi pour les guêpes qui dévorent quantité de chenilles celles notamment qui nous posent problème, qui s’attaquent à nos cultures ou à nos arbustes d’ornement. Il faut le savoir, les guêpes sont des prédateurs efficaces pour ces chenilles alors qu’on serait tenté d’acheter des produits. Pour le pratiquer depuis longtemps dans mon jardin, je n’interviens pas contre les soi-disant ravageurs et la faune sauvage s’en charge très bien. Je n’ai pas de pullulations, ni de moustiques, ni de pucerons, tout ce qui peut nous empoissonner l’existence… Tout ça s’équilibre tout naturellement.
Le J.H.M : Ces abris, on peut les installer en ce moment ?
S. D. : Oui on peut les installer toute l’année. Si vous faites des bûches percées en ce moment, vous allez voir les petites abeilles solitaires qui ne piquent pas et que l’on peut observer avec les enfants.
Le J.H.M : A l’heure où la population est confinée, construire ces abris peut être une activité ludique à faire en famille, qu’est-ce qui est le plus simple à faire ?
S. D. : On nous expose souvent des très grands hôtels à insectes comme des armoires… Mais là il faut être menuisier. Il y a par exemple, qui sont très faciles à faire, les pots à bourdons : un pot de fleurs qu’on enterre à moitié à l’envers… Avant de l’enterrer on peut mettre un peu d’herbes fines et sèches… Les bourdons apprécient. Le pot à perce-oreilles aussi, c’est juste mettre de feuilles mortes ou de paille dans un pot de fleurs posé au sol. Les perce-oreilles aiment beaucoup. Quand ils sont installés, on peut après délicatement le déplacer si on a un problème de pucerons dans les jardins. Il suffit qu’il y ait un peu de végétation et il est possible de faire quelque chose en ville comme à la campagne. Pour les enfants et même pour les adultes c’est très intéressant en terme d’observation.
Céline Clément