Le garrot des normes – L’édito de Patrice Chabanet
Dans chaque conflit social d’envergure surgit un événement qui cristallise la gravité du moment. La contestation paysanne le démontre une nouvelle fois, avec cette jeune agricultrice et sa fille fauchées au niveau d’un barrage dans l’Ariège. Elle a pris un tour dramatique. On sent bien, confusément, que le mouvement pourrait dégénérer. Les partis extrémistes sont à l’affût. Plus grave : d’autres secteurs de la société pourraient descendre dans la rue ou sur les ronds-points. Une preuve de plus que notre société n’avance que par convulsions. Le dialogue à froid n’est pas dans nos gènes.
Le gouvernement se trouve contraint de négocier et de lâcher sur des points qui sont devenus hallucinants, à commencer par celui des normes. Elles font des paysans des auxiliaires de bureaucratie. L’idée de départ est toujours bonne : assurer la sécurité sanitaire, combattre la malbouffe. Mais quand cet embrouillamini de tracasseries devient kafkaïen, il ulcère les meilleures volontés, surtout quand les revenus sont à la peine.
Dans ce que les économistes appellent la chaîne de valeurs, les producteurs que sont les paysans n’ont d’autres choix que comprimer leurs prix. Il leur est difficile de faire le poids contre les industriels qui assurent la transformation des produits agricoles ou contre les centrales d’achats.
De là à protéger l’agriculture française en fermant les frontières aux productions étrangères il y a un pas qu’il serait tentant mais dangereux de franchir. On ne guérit pas un mal par un autre mal. En attendant, comment tailler dans le maquis des normes ? On attend la réponse.