Le design graphique s’invite à la maison d’arrêt
Le week-end de clôture de la Biennale de design graphique a été l’occasion de restituer le premier projet « culture-justice » du Signe, « E-motion Design », samedi 14 octobre. La graphiste Clothilde Evide a partagé son expérience avec les détenus.
Peu de personnes se sont déplacées au centre national du graphisme, le Signe, pour la restitution du projet « E-motion Design », un travail réalisé par des détenus de la maison d’arrêt, samedi 14 octobre. « Un seul participant est sorti de prison et il n’est pas de Chaumont », justifie Annélen Loro, chargée des publics à besoins spécifiques au Signe. Ayant déjà travaillé sur des projets artistiques avec la maison d’arrêt de Troyes, cette situation ne la surprend pas.
D’autant que cela n’impacte pas l’essence du projet qui réside avant tout dans le processus de création réalisé tout au long de l’année par seize détenus, pendant trois séances de deux heures. Un travail poursuivi en dehors des murs de la prison par la graphiste Clothilde Evide qui a chapeauté le projet.
L’œuvre finale a abouti à trois vidéos d’une minute mises bout-à-bout et qui tournent en boucle. Elle s’appuie sur le stop motion, qui a consiste à donner vie à un objet immobile grâce à la prise de multiples photos. Pour le réaliser, les détenus sont partis d’une émotion qu’ils ont exprimée en découpant des formes dans du papier, qu’ils ont ensuite photographiées.
« Un sens à mon métier de graphiste »
Puis les détenus ont écrit quelques lignes sur l’émotion choisie en utilisant la technique du morphing, un effet d’animation applicable au dessin. Enfin, ils ont mis leur travail en commun, pour définir l’enchaînement des plans et aboutir à une seule vidéo. « Les détenus se sont beaucoup inspirés de l’univers du tatouage, avec des symboles comme le cœur, l’épée ou encore le signe infini », explique Clothilde Evide. Les thèmes abordés tournent autour du deuil, de l’amour, de la liberté, de la famille et de l’avenir.
« Les ateliers ont déclenché beaucoup de discussions entre les détenus. Je ne pensais pas qu’ils allaient être aussi ouverts pour parler de leurs émotions. J’avais peur de me retrouver face à des personnes fermées, restant dans une posture d’ »hommes forts » pour se faire respecter au sein du milieu carcéral, mais ce n’a pas été le cas. La première séance a été très émouvante », confie Clothilde Evide.
Par ailleurs, travailler en maison d’arrêt demande une certaine logistique. « Il fallait déposer des demandes pour faire entrer des ciseaux à bouts ronds ou mon ordinateur portable », indique la graphiste. Pour elle, ce travail en maison d’arrêt a incarné une première et bonne expérience. « Ce projet a donné tout un sens à mon métier de graphiste. Je travaille souvent seule face à mon ordinateur pour des clients que je ne comprends pas toujours. Là, je me suis sentie utile. J’espère refaire des projets similaires. »
Julia Guinamard
Le Signe à la rencontre de tous les publics
Le projet « E-motion Design » s’inscrit dans le cadre de l’appel à projets « cuture-justice », résultant d’une convention entre la direction régionale des Affaires culturelles et le ministère de la Justice. Pour le centre national du graphisme, c’est une première édition qui s’inscrit plus largement dans une volonté d’inclusion des publics à besoins spécifiques. Annélen Loro, chargée des publics pour le Signe, travaille également avec l’association la Passerelle qui lutte contre l’exclusion, avec l’Ecole Buissonnière, un centre d’accueil de jour pour les personnes atteintes d’Alzheimer, ou encore avec l’institut médico-éducatif de Brottes (IME).