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Le dernier témoin du « miracle de Colombey »

Camille avait préparé des questions et a montré un vif intérêt pour ce témoignage émouvant.

Dimanche 22 mai, la section départementale de l’ANMONM (Association nationale des membres de l’Ordre national du mérite) a organisé une rencontre avec l’abbé Hubert Demarson, le dernier témoin de la fusillade et de la rafle du 19 août 1944, à Colombey-les-Deux-Eglises, pour recueillir son précieux témoignage. Camille Dommange, jeune Langroise de 11 ans, s’est chargée de l’interview.

Cette rencontre est une initiative de Béatrice Bonnin-Kapps, la présidente du comité départemental de l’ANMONM. Elle s’inscrit dans le cadre de la commission nationale de la mémoire, créée récemment par l’association. Natif de Colombey, le père Demarson, âgé de 91 ans, avait 13 ans au moment des faits. « C’était une belle journée d’été. A l’époque j’étais au petit séminaire de Troyes, et c’était les vacances. Dans la matinée, on a vu arriver des camions allemands. ».

Il se souvient que « c’était une sorte de débâcle pour les Allemands qui se repliaient et qui circulaient sur la RN 19. Dans le même temps, on voyait aussi passer des résistants, qui empruntaient les routes départementales pour passer d’une forêt à l’autre. On savait aussi que l’armée américaine progressait, qu’elle venait de passer Troyes (…) On se disait qu’on allait bientôt être libéré, mais on avait quand même une certaine crainte que ça se passe mal, étant donné qu’il y avait des résistants sur les départementales et des Allemands sur la nationale. »

Le colonel Dufour, Béatrice Bonnin-Kapps et Camille ont rencontré le dernier témoin de la rafle des otages de Colombey.

Or les soldats allemands avaient demandé à des agriculteurs de remorquer avec des chevaux leurs camions, qui étaient en panne, et de les installer sur la place de la mairie. Les soldats, « qui étaient peut-être 50 ou 60, étaient tranquillement installés pour le repas de midi ». Le commandant avait averti le maire : « S’il y a un accrochage, vous serez responsable, il y aura des otages ».

Et l’abbé de poursuivre : « Jusqu’à 14 h environ, rien, et puis tout à coup, on a entendu la mitraille. Avec mon frère, on était au bord de la route, assis sur un banc, à 50 m de la nationale (…) Le bruit, qui venait de Maranville, s’approchait de plus en plus. On entendait la mitraille, les grenades, enfin vous savez ce que c’est, mon colonel [s’adressant à André Dufour, colonel honoraire et membre de l’ANMONM, présent à cette rencontre] mais pour nous, c’était le baptême du feu».

Les maquisards, en entrant dans Colombey, venaient d’ouvrir le feu sur deux officiers allemands devant la Boisserie, faisant un mort et un blessé. «Ils ont continué sur la route nationale et sont passés devant nous, je les ai bien vus. Arrivés au centre du village, ils ont vu qu’il y avait plein d’Allemands et ils ont tiré, au fusil-mitrailleur, à la grenade. On s’est tous barricadés dans nos maisons tandis que ça continuait de tirailler de tous côtés. Ça a peut-être duré une heure, et puis tout à coup, plus rien, grand silence».

Se cacher dans le poulailler du jardin

Peu à peu, les habitants sortent de chez eux. Une dizaine d’hommes, dont l’un des frères aînés du témoin, qui avait 18 ans, se rassemblent pour commenter l’événement. A ce moment-là, un groupe de SS arrive et tire sur les hommes de Colombey, qui ont juste eu le temps de se mettre à l’abri derrière les arbres de la mairie. Puis les SS ordonnent aux habitants de s’aligner devant la mairie, têtes contre le mur.

« Le chef voulait les fusiller mais c’est un soldat alsacien – ceux qu’on appelait les “malgré nous”, qui étaient enrôlés de force par l’armée allemande – qui a dit “on va d’abord les interroger, savoir si ce sont vraiment des résistants”  ». Le soldat les interroge en français puis traduit à son chef qui renvoie les hommes chez eux à coups de crosse.

Vers 18 h, un autre détachement allemand investit le village : « C’était le détachement de l’organisation Todt. Ils étaient beaucoup moins violents que les nazis mais ils avaient reçu l’ordre de fouiller toutes les maisons et d’emmener tous les hommes qui s’y trouvaient. » La famille Demarson les voit ainsi embarquer leur voisin. La mère d’Hubert ordonne alors à son mari et à son fils aîné de se cacher dans le poulailler du jardin.

Les Allemands rassemblent une soixantaine d’hommes, tandis qu’un autre groupe de SS venait d’arriver de Chaumont. L’un des officiers SS préconise de tous les fusiller. Cette fois, c’est un officier de la Todt qui les sauve : « Il faut d’abord savoir ce qu’ils ont fait et les juger, on va les emmener à la Kommandantur de Chaumont ». Un répit.

Pour terminer, Hubert Demarson a donné lecture d’un très beau passage des Mémoires de guerre, dédicacées par le général de Gaulle en personne.

Faute de moyens de transport suffisants, seuls 22 hommes sont emmenés à Chaumont. Plus de la moitié du groupe est donc sauvée, mais l’inquiétude grandit pour les 22 otages – dont la plupart sont agriculteurs, fromagers, ouvriers agricoles ou forestiers.

« On était sans nouvelle des otages, se souvient le prêtre. Et puis il y a eu plusieurs interventions de personnalités », notamment celle d’un industriel de Joinville, ami de Fernand Roethlisberger (otage et fromager de Colombey, décédé en 2007, à qui on doit le principal témoignage historique de cet événement, ndlr). Les otages seront finalement libérés au bout de huit jours.

Un « miracle » et un autre grand soulagement, même si jusqu’à la libération du village par les Américains, en septembre, les habitants ont continué à vivre dans la peur : « Ce qui s’est passé après, c’est que Colombey a été mis sous surveillance par un détachement composé de cosaques (armée Vlassov, ndlr). Ces gens n’étaient pas commodes, ils nous menaçaient tous les jours. Ils creusaient des tranchées pour résister à l’avance des Américains. On se disait qu’il y allait encore avoir une bataille. On avait même aménagé nos caves, avec des provisions pour plusieurs jours, en se disant que le siège pourrait durer longtemps ».

Finalement, il n’aura pas lieu. Les habitants de Colombey se sont réveillés un beau matin et ont vu les chars américains. « L’ennemi avait quitté les lieux dans la nuit. C’était la liesse, la joie ! » L’ultime soulagement, cette fois.

De notre correspondante Aurélie Chenot

Une statue baptisée « Notre-Dame des otages »

Après avoir raconté à la jeune Camille plusieurs épisodes de sa vie pendant et après-guerre, notamment ses liens avec le général de Gaulle, Hubert Demarson a conclu : « Les gens à cette époque étaient très croyants. On s’est dit qu’on avait eu une protection du ciel, on a réagi comme ça. La communauté a décidé d’élever une statue à la Vierge sur la Montagne de Colombey, qu’on a appelé “Notre-Dame des otages” (…) car c’était toute la population qui avait été prise en otage, on l’a quand même échappé belle à plusieurs reprises, les uns comme les autres ».

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