Le délitement se poursuit au conseil municipal de Chaumont
Le conseil municipal d’urgence a fait réapparaître les fractures au sein de la majorité. Frédéric Roussel et Didier Cognon l’ont quitté. En filigrane, la Ville et l’Agglo de Chaumont sont en situation de rupture avec, pour l’Agglo, des risques de cessation de paiements.
Les bonnes résolutions de fin d’années ont pour vocation de ne pas être tenues. La Ville et l’Agglo de Chaumont qui avaient joué l’apaisement en décembre dernier sont dans cette logique. Durant le conseil municipal de ce lundi 10 janvier, les tensions sont réapparues. Le feu a repris de plus belle.
Ce conseil d’urgence avait pour vocation de régler le problème de convention entre la Ville et l’Agglo afin que cette dernière puisse verser les salaires aux agents. Dans la masse salariale de l’Agglo (27,1 millions d’euros par an), la part de la Ville est de 20,8 millions d’euros par an dont 13,4 millions d’euros sous forme de remboursements à l’Agglo.
Des sommes considérables
Or, en l’absence de conventions juridique et financière, selon Christine Guillemy, la comptable publique ne pourra pas procéder à l’appel des fonds pour le mois de janvier. Il est question de 1,3 million d’euros que la Ville doit à l’Agglo alors que, déjà, la même somme n’a pas été versée en octobre, novembre et décembre avec, en plus, les bonus et treizième mois de fin d’année (4 millions).
Face à ce blocage qui peut placer l’Agglo en cessation de paiements (et de versement des salaires aux agents), le Préfet et la Direction départementale des finances publiques a transmis aux deux parties un projet de convention transitoire. Elle vise à débloquer la situation en permettant à la comptable publique de disposer des justificatifs validant les flux financiers.
Craintes et anxiété chez les agents
Christine Guillemy a réaffirmé l’urgence du vote sachant que cette convention n’a pas d’effet rétroactif. Autrement, si elle n’est pas adoptée avant la fin janvier, la Ville ne versera pas à l’Agglo la somme de 1,3 million d’euros pour les payer les agents.
Le maire Chaumont voit dans cette convention transitoire « un projet des services de l’Etat dans l’intérêt général, d’une durée maximale de 6 mois, pour permettre à la Ville de payer, pour débloquer la situation et pour rassurer les agents en situation de craintes et d’anxiété ». Ces six mois devront être mis à profit pour établir les conventions attendues par la Chambre régionale des comptes.
Mais, une nouvelle fois, les représentants de l’Agglo n’ont pas la même lecture des courriers envoyés par le Préfet. Là où la Ville estime la convention transitoire inamendable, l’Agglo voulait discuter les modalités et apporter des modifications. Stéphane Martinelli, le président de l’Agglo, a souhaité un entretien avec Christine Guillemy début janvier sans jamais avoir de réponse.
Dérive mortifère
Frédéric Roussel, vice-président à l’Agglo et conseiller municipal, est allé à la charge en son nom et pour Didier Cognon (voir encadré). Il dit « devoir aux Chaumontais la nécessité de s’opposer à cette dérive mortifère et de mobiliser toutes ses forces au développement de l’esprit communautaire, seule voie, pour résoudre les difficultés ». Avec Didier Cognon, il va jusqu’à la rupture en « quittant les rangs de la majorité municipale ».
Christine Guillemy répond que le texte est issu du service du contrôle de légalité et qu’il est immédiatement opérationnel alors qu’elle aurait pu jouer la montre. Pour elle, la Ville fait un grand pas en avant au bénéfice de l’Agglo sans présager des discussions à venir autour des amendements. « Cette convention assure la mise en paiement pour le 17 janvier et elle ne se voit pas mettre en péril l’Agglo ».
Stratégie politique
Pour la suite, elle souhaite « se mettre d’accord sur les modalités de la mutualisation dans l’intérêt général de la Ville et de l’Agglo. Il faut se donner les moyens d’une bonne administration avec un organigramme bien établi. Il nous faut regarder le problème sans tabou en ne faisant le procès de personne. La raison l’emportera ».
Là où Paul Fournié, adjoint au maire, voit des états d’âme et des considérations politiques du côté de Frédéric Roussel, Lise Courtois, élue d’opposition, s’interroge sur les refus de discussions avant le vote avec Stéphane Martinelli et Alexandre Pernet, autre opposant, n’y voit qu’une position politique de Christine Guillemy « pour plomber la gouvernance de l’Agglo ». Il demande plutôt de s’occuper des agents et de clarifier leur situation en matière de donneurs d’ordres. Dorcas Nou, sa colistière, parle d’une situation ubuesque dommageable pour tout le monde.
Frédéric Thévenin – f.thevenin@jhm.fr
La mise en péril de l’Agglo
Pour Frédéric Roussel, « l’avenir du territoire ne peut se concevoir que par un travail collectif, sincère et loyal entre les deux collectivités ». En rappelant que la convention transitoire doit être validée par les deux assemblées (Ville et Agglo), il dit regretter « vivement » que Christine Guillemy n’ait pas répondu à la proposition d’amendements et à la demande de rencontre de Stéphane Martinelli. « Cela augure mal de l’avenir d’une négociation qui devrait se dérouler dans une ambiance constructive » dit-il.
Les amendements proposés par l’Agglo portaient sur la reconnaissance de la bonne mise en œuvre de la mutualisation depuis 2013 « en dépit de l’absence d’une convention de mutualisation des services sous la présidence de Christine Guillemy ». L’Agglo demandait aussi la possibilité de prolonger cette convention de six mois supplémentaires étant donné « la complexité du chantier et sachant que ce travail n’a pas pu être réalisé en 7 ans ». Elle demande enfin que les sommes dues ne changent pas de montants à la suite de la nouvelle convention et que les groupes de travail comprennent élus et cabinets conseils.
Pour finir, Frédéric Roussel s’adresse à Christine Guillemy : « tu n’as eu de cesse, depuis l’élection de juillet 2020, de tout faire pour dégrader les relations entre la Ville et l’Agglo ; cela de façon plus ou moins souterraine. J’ai supporté cela stoïquement au cours de cette période mais je dois considérer que tu franchis maintenant un pallier qui met en péril le fonctionnement de l’Agglomération et de développement de Chaumont ».
Le dessous des cartes
La position adoptée par Christine Guillemy a pour seul objectif de forcer la main à l’Agglo et donc à Stéphane Martinelli. En refusant les amendements et en faisant voter la convention transitoire, elle l’accule à en faire autant lors d’un conseil communautaire sous peine, pour lui, d’être accusé de mettre à mal les finances de l’Agglo et les salaires des agents. Pour autant, après le vote de l’Agglo, rien ne sera réglé puisqu’il faudra entamer les négociations pour la convention définitive.
En l’état actuel des choses, l’Agglo pourrait très vite se trouver en cessation de paiements avec mise sous tutelle de la Préfecture ; au pire en mai et au mieux en septembre si les 4 millions d’euros du dernier trimestre de 2021 sont versés par la Ville. Pour l’éviter, des coupes budgétaires terribles seront envisagées au niveau de la mobilité (les bus), de Palestra (les concerts), de Chaumont Habitat (le logement) et de la restauration (les cantines).
En attendant, dans la majorité municipale, dès hier, il était annoncé que des têtes allaient tomber. Sont visés ceux qui n’ont pas pris part au vote aux côtés de Frédéric Roussel et Didier Cognon. Arnaud Lamotte pourrait perdre sa délégation commerce, Catherine Pazdzior-Vigneron sa délégation sociale et Véronique Nickels, après avoir été privée de la communication, son poste d’adjoint à l’événementiel.