Le déclic – L’édito de Patrice Chabanet
Difficile d’apprécier à chaud les effets d’une réforme majeure,
qu’elle plaise ou déplaise. Dans un premier temps, c’est la
forme qui l’emporte sur le fond. C’est plus encore la comparaison
avec les expériences antérieures qui prime dans l’appréciation.
A cette aune-là, Emmanuel Macron a réussi son pari. La
méthode employée s’est démarquée nettement de l’improvisation
rampante qui a accompagné le projet de loi El Khomri. C’est un
package bien ficelé qui a été présenté hier, même s’il ne fait pas
l’unanimité. Aucune organisation syndicale ou patronale n’a parlé
d’amateurisme. Mise à part la CGT, comme c’était prévu, les syndicats
n’ont pas poussé des cris d’orfraie.
Dans un pays régulièrement englué dans les blocages sociaux,
on peut parler d’avancée dans ce qui pourrait être l’amorce d’un
dialogue permanent. A ce titre-là, la première étape majeure du
quinquennat a valeur de déclic. On peut imaginer en effet que,
selon la même logique, les négociations sur l’assurance-chômage
et la formation professionnelle ont de bonnes chances d’aboutir.
Elles devraient permettre de renforcer le volet sécurité après la
réforme du code du Travail qui, elle, a privilégié celui de la flexibilité.
Comme on ne réussit pas en politique sans une grosse pincée
de chance, Emmanuel Macron a aussi pour lui la croissance qui
revient et les créations d’emplois qui se multiplient.
Maintenant, la balle est dans le camp des adversaires irréductibles
des ordonnances. L’ampleur des manifestations donnera la mesure
de la puissance de feu de leur contestation. Les ordonnances ne
constituent ni une révolution libérale, ni un coup d’Etat social.
Tout au plus peut-on parler d’inflexion majeure dans l’évolution du
modèle social français. Ce qui en retour ne laisse pas entrevoir la
journée des barricades. L’habileté du nouveau pouvoir, car c’en est
une, est d’avoir un calendrier de réformes bien fourni. Les forces
vives de la nation seront forcément aspirées dans les canaux du
dialogue.