Le couvercle soulevé – L’édito de Patrice Chabanet

Le couvercle soulevé – L’édito de Patrice Chabanet

Cette fois-ci sera peut-être la bonne. De toutes les informations fournies hier par le procureur général de la République de Dijon, il ressort nettement que l’affaire Grégory est sur la voie de l’élucidation. A l’évidence, il y a eu un parti pris par les enquêteurs : ne pas se focaliser sur la recherche de traces ADN. Ils ont mis le paquet sur les lettres anonymes envoyées avant et après l’assassinat du petit garçon. Examens techniques et analyses de contenu ont permis d’établir un certain nombre de recoupements. En 33 ans la science et l’informatique ont accru sensiblement les moyens d’investigation…Résultat concret : à défaut de connaître la personne ou les personnes qui ont ligoté puis jeté le petit Grégory dans la Vologne, les enquêteurs semblent être maintenant sur la piste du ou des corbeaux.
Si le couvercle de cette incroyable et ténébreuse affaire se soulève enfin, la Justice n’est pas au bout de ses peines. Les personnes gardées à vue, notamment la grand-tante du petit Grégory et son mari, restent muets comme des carpes. Il a toujours été établi que tout s’est joué dans un cadre familial, ceux qui savaient et qui n’ont rien dit, ceux qui ont balancé des lettres anonymes, ceux qui ont participé plus directement au crime. Un casting à la Chabrol et un bunker face aux assauts répétés des enquêteurs. En divulguant des noms avant des mises en examen éventuelles, le procureur de la République et les gendarmes espèrent sans doute que les langues finiront par se délier. L’omerta lie des clans qui n’ont pas forcément les mêmes intérêts. Mais la partie n’est pas encore gagnée. Les personnes qui ont gardé le secret pendant trois décennies n’ont pas l’intention de craquer aujourd’hui. Elles connaissent leur droit au silence. Mais leur mutisme risque de peser peu face à des preuves dont on sent qu’elles s’accumulent d’un seul coup. Les taiseux ont dû penser qu’ils emporteraient leur secret dans la tombe. Ils avaient seulement oublié qu’une escouade de gendarmes spécialisés ne s’avouait pas vaincue.