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Le cheval de Troie était-il un bateau ?

Un bas-relief assyrien représente des bateaux marchands phéniciens transportant des grumes de cèdres. La proue de ces navires, munis de rames, affiche une tête de cheval.

Guerre. Selon le poète grec Homère (VIIIe siècle avant J.C.), le récit épique de la guerre de Troie s’achève avec l’épisode du cheval de bois abandonné aux Troyens par les Grecs. Mais ne s’agit-il pas d’un de ces navires marchands phéniciens nommés “hippos” (cheval en grec) ?

La guerre de Troie a lieu vers 1250 avant J.C., mais Homère ne l’évoque que 500 ans plus tard. Il est établi que l’Iliade relate des évènements authentiques qui, parce que leur souvenir a été perpétué par des générations de bardes, les aèdes, ont été déformés et enjolivés. Doit-on croire que les envahisseurs grecs construisirent un énorme cheval creux pour le remplir de soldats, et prétendirent reprendre la mer dans l’espoir de voir les Troyens se saisir de ce trophée ?

Dans l’Odyssée, Homère indique que les vaisseaux sont les chevaux de la mer (chant IV vers 707-708, chant XIII vers 81). L’Iliade, qui narre une partie de la dixième année du siège de Troie, s’achève par les funérailles d’Hector, fils du roi Priam, tué par Achille (chant XXIV), vers 789-790 : « Puis, quand parut, fille de la brume, l’aurore aux doigts de rose, autour du bûcher de l’illustre Hector le peuple se réunit ». C’est dans l’Odyssée, avec pour sujet central le retour d’Ulysse “saccageur de villes” dans son île d’Ithaque, qu’est narrée la fin de la guerre de Troie (chant IV, vers 270-273) : « Ainsi voyez encore, ce qu’il a fait et osé, cet homme énergique, dans le cheval de bois, où nous étions embusqués, tous les meilleurs des Argiens (Achéens), portant aux Troyens le meurtre et la mort ».

Les phéniciens paient tributs avec des navires

Dans l’Antiquité, les riches villes phéniciennes de la côte libanaise (Tyr, Sidon, Byblos) craignent les incursions des Babyloniens et des Perses, mais surtout des Assyriens qui viennent de Mésopotamie et sont considérés comme les plus dangereux. Marchands des mers, peu motivés pour la guerre, les phéniciens se contentent de payer tributs à ces puissances sous forme de nefs commerçantes chargées de métaux précieux : lingots de fer, de cuivre, de bronze, d’argent et d’or, habituellement utilisés comme monnaie. Ces lingots sont fondus en forme de peau de bœuf afin de faciliter leur manutention ; le fer, qui annonce la fin de l’âge du bronze, est particulièrement prisé.

Ce motif gravé sur un vase contemporain d’Homère, représente le cheval de Troie. L’artiste en a entaillé les flancs pour révéler la présence des Grecs à l’intérieur.

Des épaves de ces navires, autrefois nommés hippos et dont la figure de proue (parfois aussi la poupe) représente une tête de cheval, ont été découverts ces dernières années en Méditerranée. En 830 avant notre ère, le roi assyrien Salmanasar III fait graver un bronze commémoratif sur la grande porte de son palais de Kalkhu, près de Ninive (Mossoul en Irak). Cette œuvre représente le tribut payé par la plus puissante des cités phéniciennes, Tyr, qu’il vient d’assiéger. Pourtant bien défendue, car cernée de remparts et située sur une île, la citadelle finit par se soumettre. Le bronze commémoratif représente des bateaux de charge dont les proues sont ornées de têtes de chevaux : ces navires venus de Tyr, dont on aperçoit les fortifications au loin, sont hissés sur la plage par des cordes. Des porteurs tyriens en déchargent les marchandises, puis les transportent en file indienne afin de les remettre à Salmanazar III. De même peut-on penser que les Grecs conduits par Agamemnon, roi de Mycènes, auraient agi à la phénicienne afin de simuler une soumission à Troie : ils auraient abandonné sur le rivage un hippos rempli de marchandises avec des soldats dissimulés à l’intérieur.

La guerre de Troie : un conflit économique

A l’époque de la Grèce archaïque, qui suit les temps dits “obscurs” et précède l’âge classique de Périclès et des philosophes, les Hellènes se combattent les uns les autres avec comme traditions guerrières la ruse, les razzias de bétail et d’or, les enlèvements de femmes et la piraterie. Qu’une coalition navale grecque puisse s’organiser, révèle un intérêt commun majeur. L’enlèvement de la belle Hélène, femme du roi de Sparte Ménélas, par le prince troyen Pâris, permet d’agrémenter l’Iliade d’un caractère romanesque. Cette œuvre poétique est-elle influencée par l’Epopée de Gilgamesh, récit mésopotamien d’un millénaire plus ancien ? Les aèdes, traditionnellement, chantent les louanges des dieux.

Des phéniciens de Tyr se soumettent au roi assyrien Salmanazar III (vers 830) : ils déchargent des hippos dont la proue et la poupe sont ornées de têtes de chevaux.

Troie, la fière Ilion, située au sud de l’Hellespont (détroit des Dardanelles) en Asie mineure, rançonne les navires qui croisent entre la mer Egée et la mer Noire. A la mauvaise saison, les marins égéens qui ne peuvent remonter à la voile vers le nord, à cause des vents contraires, déchargent leurs marchandises à terre où des caravanes de chameaux prennent le relais pour les transporter. Là encore, la cité du roi Priam se sert au passage. La richesse des Troyens «dompteurs de chevaux», devenue proverbiale, attise l’avidité du monde grec lassé de payer le droit de passage de l’Hellespont et qui prétend «rendre le détroit à la navigation».

Sortant furtivement du cheval de bois, Ulysse, Tissandre, Machaon, Ménélas et d’autres fameux guerriers, ouvrent les portes de Troie à l’armée Grecque.

A cette époque, les Hittites des plateaux d’Anatolie entament une série de conflits avec l’Egypte des pharaons Séti Ier et Ramsès II (bataille de Qadesh, en Syrie, vers 1274 avant J.C.). Troie ne peut plus compter sur ses alliés Hittites, dont l’empire décline, ce dont profitent les Grecs «aux belles cnémides» (jambières).

De notre correspondant Patrick Quercy

Sources : L’Iliade et l’Odyssée d’Homère (Garnier frères 1968). Histoire de la civilisation de Will Durant (Rencontre 1963). Antiques civilisations égéennes et Premiers marchands des mers (Time Life 1975).

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