L’avion mystère – l’édito de Patrice Chabanet
Bizarre, vous avez dit bizarre… Cette histoire d’avion immobilisé quatre jours à Vatry, dans la Marne, est bizarre. Qu’on la prenne par n’importe quel bout elle additionne les étrangetés. L’appareil, pour commencer : aucun signe distinctif, pas d’indication sur la nationalité (roumaine) et la compagnie.
Les passagers ? On sait qu’ils étaient 303, de nationalité indienne en partance pour le Nicaragua, point de départ a-t-on dit pour le grand voyage vers les Etats-Unis. Leurs profils ? Des travailleurs aux Emirats arabes unis, apprend-on aussi. Deux d’entre eux ont fait l’objet d’une enquête pour des soupçons de « traite d’êtres humains ».
Finalement, la plus grande partie de ces étranges passagers, y compris les deux suspects, a été relâchée. Retour à l’envoyeur à Bombay. Une trentaine d’entre eux a quand même refusé de retourner en Inde et a demandé à bénéficier du droit d’asile en France. Pas sûr qu’il soit accordé. Malgré un régime plutôt autoritaire, l’Inde n’est pas une dictature qui justifierait pareille démarche.
En fait, on ne connaîtra sans doute jamais le fin mot de l’histoire. Aucune voix officielle n’est venue nous éclairer. L’impression qui se dégage est que la France a voulu se débarrasser d’un colis encombrant. Certains passagers ne manqueront pas d’ailleurs de demander des dommages intérêts pour avoir été retenus contre leur gré… Maintenant c’est aux Indiens de régler le problème.
Il n’en demeure pas moins vrai qu’une réalité se glisse entre les silences et les demi-explications : la main d’œuvre pas chère est devenue une marchandise comme une autre, à l’abri des regards et des législations. C’est le versant sombre de la mondialisation.