L’appât du gain – L’édito de Patrice Chabanet
L’affaire des faux steaks n’est pas, stricto sensu, un scandale sanitaire. Aucune vie n’est en danger. Elle est plus insidieuse, plus hypocrite. Crûment dit, elle consiste à rouler dans la farine les plus démunis. En fait de steaks hachés, il s’agissait d’une espèce de bouillie qui contenait peu de viande, mais beaucoup d’ingrédients non carnés et même de l’eau surgelée. Ces produits non identifiés, provenant de Pologne, étaient destinés à des organismes caritatifs, les premiers dupés. Comme l’a été le Fonds européen d’aide aux plus démunis. Au total 780 tonnes de produits suspects.. Comme souvent en pareil cas, entre les fabricants de ces sous-produits et ces associations, il y a plusieurs sociétés. On peut déjà prévoir que chacune renverra la responsabilité sur les autres. Qui a défini le cahier des charges ? Qui a établi les étiquettes ? Qui a fait croire aux steaks hachés.
C’est bien le télescopage de deux comportements, le dévouement des uns et l’appât du gain des autres, qui heurte. On imagine, d’un côté, tous ces bénévoles de la Croix-Rouge, des Restos du cœur, des Banques alimentaires ou du Secours populaire tenter d’améliorer le quotidien de ceux qui n’ont pas souvent l’occasion de manger de la viande. On entrevoit, de l’autre, ces trafiquants au petit pied, convaincus que les pauvres se satisferont de cet ersatz de viande. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que des filières érigent la triche à grande échelle comme un mode de pratique commerciale. On se souvient du scandale des lasagnes à la viande de cheval. Cette dernière partait de Roumanie pour aboutir aux Pays-Bas avant de se retrouver au rayon des surgelés d’enseignes françaises. On a encore en mémoire ces 800 kg de viande de bœuf avariée importée de Pologne.
Les escrocs font toujours preuve d’imagination. Leur trafic est souvent international pour rendre difficile la remontée des filières. Dans le cas des faux steaks hachés, l’enquête se poursuit. On espère que rapidement seront mis des noms sur les sociétés qui se font du gras sur la misère des plus démunis.