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Langres signes met en scène le récit historique des personnes sourdes

Treize comédiens de l’association Langres signes vont donner, mi-novembre, un spectacle mis en scène par Sylvain Chiarelli au théâtre Michel Humbert, à Langres. En langue des signes, en chants signes. La danseuse Ofélia Barillet Gogibus assurera le prologue de « l’Histoire des sourds ». Un projet que Langres signes a patiemment mûri.

« C’est une émission de télévision qui m’a amenée à m’intéresser à la langue des signes ». Sur Véronique Flamand, alors âgée de 7 ans, l’effet est bouleversant. L’animatrice Marie-Thérèse L’Huillier se met à l’époque en tête d’intégrer les personnes sourdes au monde des téléspectateurs. La réplique du choc qu’a ressenti la fillette paraît pourtant céder au temps qui passe : elle choisira un métier indépendamment de ce souvenir. Pourtant, dès qu’elle occupe son premier poste d’ « instit’ », les grandes difficultés d’une élève la font rencontrer une orthophoniste. L’émotion générée par l’émission Mes mains ont la parole ressurgit aussitôt. Véronique file alors prendre des cours de langue des signes -on dit apprendre à signer– à l’institut d’études sensorielles (IES), encore situé à Langres… place de l’Abbé Cordier, dans la bâtisse que la Ville récupérera. En septembre dernier, elle l’a mis à disposition des artistes.

« Vouloir signer exige de l’humilité »

« Dix ans après, je donne moi-même des cours là où l’on m’a appris à signer ». Après avoir fondé, en 2003, l’association Langres signes, Véronique et la municipalité de Sophie Delong s’accordent, en 2015, sur une convention qui prévoit que l’association occupe gracieusement une partie du rez-de-chaussée de l’ancienne maison des syndicats. Véronique y est toujours. Avec une collaboratrice, désormais. Avec Amélie, toutes deux enseignent à… quarante élèves, venus de Langres et de Chaumont. Ils viennent avant tout pour des « problèmes auditifs ». De plus en plus d’hommes rejoignent les cours. Vouloir signer exige avant tout de l’humilité. « On est souvent en situation d’échec ». L’apprentissage esquinte aussi le corps, dont l’utilisation est indissociable pour pratiquer cette langue. « On exporte parfois les cours au café » pour rebooster le moral des troupes en bavardant à bâtons rompus, en provoquant des rencontres intergroupes. Bref, on s’applique à faire retomber la pression. Et puis on « joue », aussi. Toujours en signant. Éreintant, l’apprentissage d’une langue qui se fonde « sur des concepts ». Par exemple, pour traduire « on est tous les trois différents », il y six mots, qui deviennent deux signes dans la langue des sourds.

« Les sourds ont leur histoire, avec un H majuscule »

Un miroir est utile pour apprendre à signer (©JHM)

« L’objectif de Langres signes est aussi de connaître la culture sourde ». À l’instar des personnes exclues d’un groupe parce qu’elles peinent à s’y fondre, « les sourds ont leur histoire, avec un H majuscule ».  Le spectacle Quand deux mains (en)chantent l’Histoire essaie de le faire savoir. À partir de la Grande Guerre jusqu’aux années 50, comment a-t-on considéré les sourds ? Comment les appareils auditifs ont-ils évolué ? Une grand-mère revient, fantôme appliqué qui raconte sa vie de personne sourde à sa petite-fille. Treize comédiens guidés par la mise en scène de Sylvain Chiarelli de la Cie Préface, introduits par une prestation de la danseuse Ofélia Barillet Gogibus monteront sur scène pour interpréter cette représentation qui comprend trois « chants-signes ». Au regard du succès remporté par les premiers pas de Véronique et d’Amélie à la dernière fête de la musique, en 2019, il devrait y avoir du monde au théâtre Michel Humbert de Langres, samedi 13 novembre prochain à 20h30, et le lendemain dimanche 14 novembre, à 15h.

Fabienne Ausserre

f.ausserre@jhm.fr

Pratique : Langres signes a sa page Facebook et sa chaîne Youtube.

Sourds de Langres et de Bordeaux

« La langue des signes ne fonctionne pas de manière linéaire, au plan cognitif, c’est complètement différent de la langue des « entendants » ». Le corps contribue à signer. Pas question, vautré en vrac dans un fauteuil, de s’exprimer. « Pour signer, il faut se tenir droit, ne pas croiser les jambes ». De quoi d’ailleurs simplifier l’expression de mimiques faciales, nombreuses dans la langue des signes. Elles se substituent aux mots derrière lesquels les « entendants » se protègent. Alors, oui, il y a de la place pour la nuance et pour la personnalisation. Au point qu’ « entre sourds de Langres et sourds de Bordeaux », il faille tendre des passerelles pour se comprendre. Comme chez les « entendants », qui ont parfois des accents trop prononcés pour se comprendre.

« Mal-entendant est un terme… d’ « entendants » »

« Le bruit est insupportable aux sourds ». Au passage, n’attendez pas de Véronique Flamand qu’elle utilise le terme de « mal-entendants ». Est-ce parce qu’un malheur se passe de paquet cadeau -les termes édulcorés servent à empaqueter ? Non, mais « parce que c’est un mot d’ « entendants » ». Véronique confirme que la surdité tourne à l’enfer. « Le plus perturbant est ne pas savoir ce qu’il se passe ». Bien plus souvent qu’à leur tour, les sourds baignent dans des « contresens ». La fracture avec le monde des « entendants » est abyssale, au point que « les sourds qui réussissent bien dans la vie ne les supportent pas ».

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