L’accusé Gustave Flaubert à la barre du tribunal à Langres
Ouvertes vendredi 1er octobre 2021, les Rencontres philosophiques de Langres se sont poursuivies le lendemain samedi avec Bovary, une pièce de Tiago Rodriguès, futur directeur du Festival d’Avignon, mettant en scène le procès de l’écrivain pour son œuvre jugée contraire aux bonnes mœurs.
Si la narration par Tiago Rodrigues est semi-fictive, mélangeant des extraits de Madame Bovary et de la correspondance de Gustave Flaubert avec des textes de son cru, le procès, lui, fut réel. En janvier 1857, l’écrivain est assigné devant la justice pour cette dernière œuvre, jugée trop licencieuse. Grâce à une extraordinaire plaidoirie de son avocat Me Sénard en faveur de la liberté d’expression, restée dans les annales judiciaires, Flaubert est finalement acquitté.
C’est ce procès qu’Elisabeth Barbarin, pour la Cie dijonnaise 7 a mis en scène, sur un texte de Tiago Rodriguès, futur directeur du Festival d’Avignon. La pièce, interprétée samedi 02 octobre 2021, à la salle Jean-Favre, dans le cadre des Rencontres philosophiques de Langres (RPL), a largement conquis son auditoire, notamment subjugué par la qualité de l’interprétation des comédiens. Ceux-ci ont tantôt joué les figures réelles du procès (Flaubert, Me Sénart et le procureur Pinard (ici féminisé sous les traits de Sabine Choumiloff), tantôt interprété les personnages de l’œuvre eux-mêmes, venus témoigner du traitement que leur inflige l’auteur : « À la page 81, je dis… ».
Désarroi d’Emma
Sublimement incarnée par Camille Girod, Emma Bovary fait part de son désarroi face à sa vie toujours plus insatisfaisante, malgré ses conquêtes masculines… et toujours plus de débauche, du moins est-ce ce que suggère l’écrivain. « M. Flaubert a un style si tortueux que le Bien et le Mal se mélangent. On ne les distingue presque plus ! », tonne la procureure Pinard, tandis que Me Sénart ironise sur la supposée aspiration révolutionnaire d’Emma Bovary, en réalité au cœur des préoccupations du pouvoir de Napoléon III d’alors : « Les lois de l’État ne peuvent être celles de la littérature. On ne jette pas des personnages en prison ! ».
Flaubert mieux compris… de ses ennemis
Liberté d’expression et ses limites, choc entre morale et art, le procès aborde des questionnements ardus. Finalement acquitté, Gustave Flaubert n’en est pas moins tiraillé entre amertume et satisfaction : c’est l’avocate impériale, et non son défenseur, qui a « le mieux saisi » sa pensée et ses messages. « Que mes ennemis aient compris mon roman est le plus grand des éloges, mais aussi pour moi le plus terrible des pièges ».
Nicolas Corté
n.corte@jhm.fr