La Haute-Marne perd chaque année des bovins et son élevage
Fin septembre, la Haute-Marne ne comptait plus que 191 000 bovins(-1,3 % par an). Il semble impossible de stopper l’hémorragie qui a commencé dans les années 80. Aujourd’hui, le phénomène s’amplifie pour de multiples raisons dont le ras-le-bol des éleveurs. Explications.
Bientôt plus aucun bovin en Haute-Marne ? La question peut paraître provocante voire incongrue. Mais, elle doit être posée au vu des effectifs fournis par le pôle élevage de la Chambre d’agriculture. Le département comptait, dans les années 80, 250 000 bovins. Fin 2016, il était à 205 684 têtes et fin septembre 2020, à 191 104. Depuis longtemps, il est répété que la Haute-Marne compte plus de bovins que d’habitants (173 000) mais à ce rythme de déperdition, l’affirmation sera rapidement fausse. En quatre ans, elle a perdu 4 000 habitants et 14 580 bo-vins. L’hémorragie dans les fermes est considérable.
Ras-le-bol
Anne Vanhoorne, responsable du pôle élevage de la Chambre d’agriculture, prend très au sérieux cette situation. Elle avance différents arguments pour l’expliquer et, en premier lieu, les trois sécheresses qui viennent de se succéder (voire quatre dans le Barrois). Les éleveurs n’ont plus comme solution de décapitaliser et donc vendre des animaux faute de pouvoir les nourrir convenablement. Anne Vanhoorne témoigne également d’un ras-le-bol général. « Les éleveurs laitiers ou producteurs de viande en ont assez de travailler pour rien. » Il n’est plus possible de travailler 60 à 70 heures par semaine pour une rémunération de 350 € pour un tiers des éleveurs. La disparition des bovins en Haute-Marne s’explique aussi par la démographie du côté des éleveurs laitiers. Moitié d’entre eux partiront à la retraite dans les dix ans. Or, le phénomène a déjà commencé. Il va se poursuivre et un départ à la retraite est rarement compensé par une installation. Impossible, en plus, de compter sur l’embauche de salariés puisqu’ils sont aux abonnés absents. Il faut ajouter aux départs à la retraite un nombre grandissant de cessation laitière. Une dizaine cette année en Haute-Marne. Mais, la baisse de l’effectif de bovins sur le département est également due à un nouveau phénomène très récent : la volonté des éleveurs de posséder moins d’animaux. L’an dernier, l’exploitation moyenne comptait 178 bovins. Aujourd’hui, elle est à 173. Une première depuis les années 80.
Plutôt que de grossir l’exploitation en termes de têtes et de tout miser sur la productivité, les éleveurs cherchent à préserver leurs marges et leur confort de travail. Autrement dit, souvent, la nouvelle génération rompt avec l’agrandissement permanent qui a usé la profession. Anne Vanhoorne dit ainsi que « les éleveurs sauvent leur peau avant qu’il ne soit trop tard ».
Questions existentielles
Et, dans ce contexte, la crise sanitaire liée à la Covid-19 sert d’accélérateur avec des agriculteurs qui se posent des questions existentielles sur leur place dans la société d’où la recherche de nouvelles filières, de niches et de meilleures valorisations pour s’échapper des marchés compliqués.
Anne Vanhoorne s’inquiète de cette situation globale. « Attention aux coups de tête, dit-elle, entre ceux qui s’inquiètent pour rien. Ceux qui ne s’inquiètent pas alors qu’ils devraient et ceux qui s’inquiètent pour de bonnes raisons. » Pour elle, le plus grave est « ceux qui sont détachés de toutes solutions, qui ne se battent plus ». Elle pense, en particulier, aux producteurs de viande qui se taisent. Elle aimerait tellement les voir se rebeller, manifester. « Ce serait un signe de combat et non pas de résignation. »
Comme première solution, Anne Vanhoorne a demandé à ses équipes de favoriser la proximité, d’être en permanence sur le terrain et d’être à l’écoute de l’ensemble des éleveurs (pas seulement aux adhérents de la Chambre) grâce au soutien du Conseil départemental.
Frédéric Thévenin
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