La grande angoisse des gérants, « les oubliés »
Les restaurateurs comptent parmi les professions les plus dramatiquement impactées économiquement par la crise. L’incertitude sur l’avenir autant que les échéances génèrent de l’angoisse.
Le Medef Haute-Marne avait organisé la semaine dernière, en visio, une séquence d’échanges entre la presse et Raoul et Patricia Pereira. Ce couple de Haut-Marnais tient un restaurant, le Porto Grill, à Saint-Dizier. Leur témoignage s’avère emblématique du vécu de bien des restaurateurs confrontés à la fermeture contrainte et forcée de leur établissement.
Le restaurant fonctionne (enfin… fonctionne… en temps normal !) avec 6 salariés. Quatre personnes vivent directement de leur travail pour cette entreprise : les deux parents et leurs deux enfants.
Las, les gérants non salariés n’ont droit à rien ou peu s’en faut. Patricia et Raoul Pereira ont commencé à travailler à 18 ans. Ils n’ont jamais cessé.
Depuis le mois de mars, les frais fixes s’accumulent. Les factures, les emprunts à rembourser, les assurances. Avec leurs enfants, ils vivent sur leurs économies, fruit de deux vies de labeur : « Je plains ceux qui n’en ont pas. Parce que chez nous, ça fond comme neige au soleil. On n’est pas Rothschild ».
Voilà quelques jours, ils ont touché les fameux 10 000 euros. Il a fallu en rajouter 26 000 pour boucher les trous. « Mais comment on va faire ? COMMENT ON VA FAIRE ! »
La banque leur a demandé 5000 euros de frais pour pouvoir différer le remboursement des emprunts. «On n’a plus rien pour vivre car les gérants d’entreprise non salariés n’ont droit à rien. Pas de chômage, pas de compensation à titre personnel. Les 10 000 € sont déjà insuffisants pour faire survivre l’entreprise alors comment voulez-vous que l’on se rémunère ? ».
On l’a compris, Raoul et Patricia Pereira ne veulent pas l’aumône. Ils demandent juste à travailler, dans le cadre de vraies règles sanitaires strictes, qui rassureraient tout le monde. En attendant, l’angoisse dévore leur quotidien. Ils ignorent quand ils pourront rouvrir. Ils ignorent si les clients vont revenir. Ils ignorent comment, en attendant,ils vont payer les dettes qui s’entêtent à gonfler. « Tout le monde croit qu’on nous aide. Mais c’est faux. On aide les sociétés, par les personnes qui les gèrent. On est privés de revenus depuis mars. C’est très angoissant. On doute de tout. On remet tout en question ».