La gnaque – L’édito de Patrice Chabanet
Et à la fin, c’est Tapie qui gagne. Qu’on l’aime ou qu’on le haïsse, sa victoire judiciaire d’hier laisse pantois. Rares étaient ceux qui auraient parié un kopeck sur sa relaxe. Condamné au civil à rembourser 400 millions d’euros, il est blanchi au pénal du délit « d’escroquerie ». La force de l’ancien président de l’OM est d’avoir surnagé dans ce magma judiciaire. Les juristes eux-mêmes ont eu toutes peines du monde, dès le prononcé du jugement, à expliquer pourquoi le civil et le pénal n’étaient pas sur la même longueur d’onde. Un bon sujet pour les étudiants en droit. Tapie, lui, ne s’est pas posé la question. Il a abordé le dernier procès comme le dernier combat de sa vie. Il avait la gnaque, comme on dit familièrement. D’une certaine manière aussi, il s’était attiré la sympathie de l’opinion publique. Le citoyen lambda n’a pas voulu entrer dans les subtilités et les arcanes juridiques. Il a vu un homme malade, avec un cancer gagnant du terrain et le privant de sa voix. La relaxe est donc perçue comme une décision salutaire : on ne tire pas sur une ambulance. Simple coïncidence au demeurant : les juges n’ont pas pris en compte l’état de santé de l’intéressé, mais les faits longuement évoqués dans les attendus du jugement.
Dans le sillage de Bernard Tapie, les autres prévenus ont sauvé leur chemise, notamment. Stéphane Richard, actuel PDG d’Orange, poursuivi pour « complicité ». La victoire de Tapie n’exclut pas d’autres péripéties. Le parquet pourrait faire appel. Et, par ailleurs, ses créanciers sont bien décidés à récupérer les 400 millions attribués par la cour arbitrale, décision cassée au civil. Mais le temps judiciaire lui laisse le temps de respirer dans une période de sa vie où chaque minute est une minute gagnée sur l’adversité.