La fin des tabous – L’édito de Patrice Chabanet
L’action héroïque d’Arnaud Beltrame n’aura pas seulement révélé un comportement hors norme, celui d’un homme pour qui les mots courage et abnégation s’exprimaient d’abord dans l’action. Elle a fait aussi sauter un verrou. Pour la première fois, hier, le chef de l’Etat a évoqué explicitement les dangers de « l’islamisme souterrain ». La formule était plus explicite que celle de « terrorisme endogène » employé quelques jours plus tôt par Emmanuel Macron. En clair, l’ennemi est parmi nous. Ses combattants ont souvent la nationalité française. Ils sont sans doute plusieurs milliers à pouvoir passer à l’acte, comme dans l’Aude. Le dire et le reconnaître constituent une avancée importante dans la stratégie de reconquête. Un travail immense, dans la mesure où il y a des milliers de cerveaux lavés par une idéologie mortifère.
La tâche de tout gouvernement ne se limite pas au désamorçage de toutes ces bombes à retardement. Elle consiste à mettre fin à leur fabrication. On n’est plus dans la gestion policière et judiciaire de la radicalisation, mais dans le combat politique. Cela veut dire la prise en compte du fameux terreau du terrorisme, à savoir la déshérence de nombreuses banlieues. Pour autant, l’argument social ne saurait tenir lieu de seule explication. Pas plus que le chômage de masse n’a pu excuser les Allemands d’avoir choisi le nazisme en 1933.
La lutte contre l’islamisme radical – et l’antisémitisme – est aussi l’affaire de chaque citoyen. Le puissant mouvement de sympathie qui s’est manifesté autour de la personne d’Arnaud Beltrame et la marche blanche après le lâche assassinat de Mireille Knoll montrent une levée en masse contre l’inacceptable, l’intolérance absolue et le rejet de l’autre. Un combat dans la dignité, ce qui n’exclut pas la fermeté. Le meilleur exemple nous a été donné par le fils de Mireille Knoll. Il a refusé, comme l’a fait le Crif, de mélanger valeurs démocratiques et calculs politiques. Dans la noirceur de l’actualité, surgissent de grandes âmes. C’est rassurant.