La carte Vitale biométrique peine à séduire
La carte Vitale biométrique doit être lancée, dès l’automne prochain. La mesure est passée dans le budget rectificatif pour 2022, qui prévoit de lui allouer 20 millions d’euros.
D’abord votée par le Sénat, dans la nuit du 2 au 3 août, elle a été validée par l’Assemblée nationale, ce jeudi 4 août. Le dispositif est prôné pour enrayer les fraudes à l’assurance maladie et pour faire des économies. « Pour l’instant, nous sommes dans le flou total », pointe Valérie Girard*, une pharmacienne du centre-ville. Si peu de détails ont été dévoilés, les nouvelles cartes vitales seraient équipées d’une puce biométrique.
D’abord votée par le Sénat, dans la nuit du 2 au 3 août, elle a été validée par l’Assemblée nationale, ce jeudi 4 août. Le dispositif est prôné pour enrayer les fraudes à l’assurance maladie et pour faire des économies. « Pour l’instant, nous sommes dans le flou total », pointe Valérie Girard*, une pharmacienne du centre-ville. Si peu de détails ont été dévoilés, les nouvelles cartes vitales seraient équipées d’une puce biométrique.
Peu de fraudes constatées à Chaumont
Un lien infalsifiable entre la carte et son propriétaire serait ainsi établi grâce à des données biométriques, comme les empreintes digitales ou la reconnaissance faciale.
Les professionnels de santé seraient ainsi assurés que la carte est authentique, qu’elle n’a pas été volée ou prêtée.
« À partir du moment où l’on connaît sa patientèle, il n’y a pas de risque de fraude. Nous sommes dans une petite ville, nous connaissons nos patients », soutient Richard Pelletier*, qui travaille dans une pharmacie chaumontaise. Du côté du médecin généraliste, Thierry Geuze, les usurpations ou fraudes sont loin d’être monnaie courante. « Depuis cinq ans que j’exerce, ça a dû arriver à deux reprises. »
Il poursuit : « Les fraudes, il y en a probablement, comme dans tous les secteurs. Mais, à quel prix allons-nous lutter contre ? À mon avis, ce n’est pas avec des données biométriques, en fliquant les gens, qu’on va faire des économies ».
Pour Richard Pelletier, la carte Vitale biométrique « peut être adaptée dans les grandes villes ». Un avis partagé par Valérie Girard, favorable à la mesure : « En région parisienne, on entend souvent parler d’usurpation. Des gens achètent des traitements onéreux, dans différentes pharmacies, et les revendent à prix d’or à l’étranger. Des médecins sont même parfois complices. »
Six milliards d’euros de fraude ?
Là où le pharmacien du centre-ville émet davantage de réserves, c’est sur la mise en place des outils qui iront probablement avec la nouvelle carte. « Il y a un fossé entre ce qui est décidé dans les bureaux et ce que l’on peut faire dans les officines. Il faut voir comment ça peut se paramétrer dans nos logiciels et quel va être le coût. » Il appréhende également l’acceptation de la patientèle. « Je ne sais pas si les gens sont prêts à accepter ça en pharmacie. Déjà qu’ils trouvent qu’on les flique beaucoup avec le pass sanitaire ». Le son de cloche est quelque peu similaire du côté de Richard Pelletier. « Je ne me vois pas prendre les gens en photos. Souvent, comme les gens sont malades, ce n’est pas eux qui viennent. On ne va pas couper le doigt de quelqu’un pour la biométrie », plaisante-t-il.
Le sénateur LR Philippe Mouiller, à l’origine du projet, soutient que l’assurance-maladie fait face à une perte de « six milliards d’euros par an ». Néanmoins, le dernier rapport (pdf) sur la fraude sociale estime que les fraudes s’élèvent au total entre 200 et 800 millions d’euros. Soit 1 % des montants clamés.
Julia Guinamard
*Les noms ont été changés.
Des dispositifs existants pas encore démocratisés
« Avec l’Identité Nationale de Santé, on est déjà censé vérifier l’identité des gens, quand on insère la carte Vitale », fait remarquer Richard Pelletier, qui travaille dans une pharmacie. Cette Identité Nationale de Santé est effective depuis le 1er janvier 2021.
Lorsqu’un professionnel de santé insère une carte Vitale dans son boîtier, une fenêtre apparaît sur son écran. Celle-ci demande un contrôle de l’identité du patient qui doit présenter son passeport, sa carte d’identité ou un livret de famille accompagné d’une carte d’identité s’il n’a pas pu se déplacer. Le praticien ou pharmacien doit cocher dans son logiciel la pièce montrée. À noter qu’il existe également une case « aucune pièce présentée ».
Bien qu’opérationnel, ce dispositif n’est pas encore entré dans les usages. « J’ai du mal à demande la carte d’identité », confie le pharmacien du centre-ville. Idem pour le médecin généraliste Thierry Geuze. « Je ne suis pas gendarme, ce n’est pas mon rôle de vérifier l’identité des gens. Mon métier ce n’est pas fliquer, c’est soigner. Et le serment d’Hippocrate nous engage à soigner n’importe qui. »
Biométrie et vie privée
Le projet de carte Vitale biométrique ressort de vieux tiroirs. En 2020, il avait été refusé par la majorité présidentielle au nom de la « protection de la vie privée et des données personnelles ». Il semblerait donc que ces notions aient évolué pour certains.
Pourtant, le Règlement Générale sur la Protection des données (RGPD) stipule toujours à son article 9.1 que « le traitement […] des données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique […] sont interdits ».
Le RGPD indique également que « le consentement ne devrait pas être considéré comme ayant été donné librement si la personne concernée ne dispose pas d’une véritable liberté de choix ». Pour être en adéquation avec le règlement, une alternative d’authentification, ne s’appuyant pas sur la biométrie, devrait donc être proposée.
Santé. Au nom de la lutte contre les fraudes, dans la nuit du 2 au 3 août, le Sénat a voté le lancement de la carte Vitale biométrique. Le projet a été validé, ce jeudi 4 août, à l’Assemblée nationale. De la théorie à la pratique, en passant par les bénéfices, le dispositif interroge des professionnels de santé.