La Capeb attentive au moral des entreprises du bâtiment
La récente baisse d’activité constatée dans l’artisanat du bâtiment inquiète les acteurs du secteur. Interpellée sur cette conjoncture, la Capeb 52 – avec son président Pascal Maigrot, et Cédric Bernand, vice-président – met en garde contre l’alarmisme et appelle de ses vœux davantage de visibilité.
Jhm quotidien : Vous refusez l’amalgame entre inquiétude et alarmisme ?
Pascal Maigrot : « effectivement, si l’inquiétude est légitime, l’alarmisme, lui, est prématuré et non constructif. N’entretenons pas le pessimisme ! »
Jhm quotidien : Un rapide point de conjoncture ?
Pascal Maigrot : « Depuis le troisième trimestre 2020, l’artisanat du bâtiment n’avait pas connu de baisse d’activité. L’activité est en recul pour la première fois depuis trois ans avec une diminution de -0,5 % enregistrée au deuxième trimestre 2023. La cause principale de cette baisse d’activité est la crise de la construction neuve, qui a fait diminuer l’activité des TPE dans ce domaine de -1,5 %. La rénovation énergétique permet de limiter la casse, avec une croissance de +2 % ; les projections ne sont pas franchement optimistes, puisque se dessine une contraction de l’activité à -0,5 % pour cette année ».
Jhm quotidien : 2023 ne sera pas une bonne année ?
Pascal Maigrot : « L’année a plutôt mal commencé pour le secteur de la construction, pénalisé par la forte inflation, la crise énergétique, la chute du logement neuf, des permis de construire et de la commande publique, les difficultés de recrutement ou encore la hausse des assurances. Ce contexte économique difficile s’est logiquement répercuté sur l’activité de l’artisanat du bâtiment ».
Jhm quotidien : Comment envisagez-vous 2024 ?
Pascal Maigrot : « Même si le gouvernement a promis d’accélérer considérablement ses actions sur les rénovations énergétiques globales, l’incertitude est de mise. La Capeb attend de la part des pouvoirs publics une reconnaissance et de la bienveillance, autant de choses qui tardent à venir, malgré les propos prononcés par le président de la République sur l’artisanat du bâtiment ».
Jhm quotidien : Cette conjoncture vous rend pessimiste…
Pascal Maigrot : « Elle n’est guère encourageante, c’est vrai. Mais le véritable problème est ailleurs : Le moral des artisans est au plus bas ! Malgré une totale prise de conscience de la crise, il ne faut pas crier à la crise du logement. Certes, les carnets de commandes ont tendance à se tarir, mais s’élèvent encore à 79 jours au deuxième trimestre, ce qui n’est pas rien. Entre le trop-plein d’administratif, et le remaniement continu des aides à l’habitat et des préconisations en matière de rénovation énergétique, la gestion des clients, des salariés, tous englués dans une inquiétude généralisée, il y a de quoi perdre la foi. Si à cela s’ajoute la lecture de certaines inepties telles que l’ouverture des aides à l’habitat à l’auto-rénovation pratiquée par des bricoleurs chevronnés, ou encore les conséquences de la mise en place de la Responsabilité Élargie du Producteur (REP) qui, pour l’instant, nous conduit à payer pour le traitement de nos déchets sans aucune amélioration palpable sur le terrain, alors là c’est l’anéantissement… »
Jhm quotidien : La rénovation semble moins impactée que la construction neuve, plus rare en Haute-Marne…
Pascal Maigrot : « Oui. 80 % des adhérents de la Capeb œuvrent sur des travaux de rénovation et non sur de la construction neuve de projets immobiliers conséquents. Le véritable risque pour nos entreprises est que les “gros faiseurs” qui voient leur activité chuter sur le neuf ne viennent se rabattre sur les chantiers de rénovation, et ce à prix cassés. Nous allons devoir nous battre et être vigilants sur nos facturations et nos trésoreries. Il ne faut pas sombrer dans un négativisme entretenu. Aujourd’hui, ce n’est pas 0.5 point sur nos chiffres d’affaires qui nous fera fermer nos structures. En revanche, le ras-le-bol et la baisse de moral, oui ! ».
Jhm quotidien : Donc de la vigilance, mais pas d’alarmisme ?
Pascal Maigrot : « C’est exactement cela : nous refusons de tenir un discours empreint de catastrophisme qui entraînerait du pessimisme sur le terrain, déjà beaucoup trop présent. La baisse de moral de nos chefs d’entreprise est plus impactée par la conjoncture tout court que par la conjoncture économique ! il faut surtout leur redonner de la visibilité. C’est cela, le véritable moteur des projets et des investissements ».