Kader Rahim : « un crève-cœur »
Le Bragard Kader Rahim, actuellement en confinement dans le Nord,est dans le flou concernant une hypothétique reprise du championnatde première division. Il explique aussi son quotidien.
Le Journal de la Haute-Marne : Comment allez-vous ?
Kader Rahim : « Je vais bien. J’ai une pensée pour les familles des résidents qui sont décédés du coronavirus à l’EHPAD du Chêne, à Saint-Dizier. Le confinement est très compliqué dans ces établissements. Je suis attaché à ma ville et cela m’a touché. »
JHM : Depuis quand votre championnat est-il suspendu ?
K. R. : « Le dernier match remonte au 4 mars soit près d’un mois. Et j’ai arrêté les entraînements le 14 mars. Le club nordiste a anticipé l’annonce officielle du confinement. Je suis en chômage partiel. C’est spécial car nous n’avons jamais connu autant de semaines d’arrêt dans la saison. L’été, j’en ai général entre cinq et six, entre mi-juin et fin juillet. Là, quoi qu’il arrive, cela fera au minimum un mois et demi sans toucher le ballon. »
JHM : Pensez-vous pouvoir reprendre la compétition ?
K. R. : « Il reste huit matches à disputer d’ici le 30 juin, date de fin des contrats. Si nous reprenons début juin, cela me semble impossible, avec deux rencontres par semaine. Nous n’avons pas des jets privés comme en NBA… Cela discute en ce moment entre les représentants des joueurs, des clubs, de la Ligue nationale et du diffuseur (BeInSports). Il y aurait trois scenarii : un championnat gelé et on repart à zéro, un arrêt du championnat avec les places faisant foi, ou on anticipe la création d’une Starligue à seize formations, avec aucune descente et deux montées de Proligue (Cesson et Limoges sont les deux premiers). Je pense que l’on ne reprendra pas car sur six semaines, c’est possible. Mais si le confinement est prolongé jusqu’à fin avril, il nous faudra au minimum deux semaines pour s’entraîner. Les clubs n’ont pas d’intérêt à jouer à huis clos. Pour des raisons économiques. Et je pense que l’Etat va privilégier la santé et l’économie au sport. Aucun risque ne sera pris. Comment fait-on pour les montées et descentes ? Qui est européen ? Un titre de champion est-il décerné ? De notre côté, nous sommes 7e sur quatorze. On ne peut plus descendre ni accéder à un ticket européen. Je me mets en revanche à la place du troisième de Proligue qui peut rester dans cette division alors qu’il reste pas mal de matches. Aucune décision ne sera parfaite. Il y a aussi la Ligue des champions et la coupe EHF qui sont en suspens. Nous avions un tournoi de qualification olympique, avec l’Algérie en avril, avec trois belles nations européennes, et qui est reporté. Je rêve aussi des Jeux qui sont reportés d’un an. Mis à part le football, avec des droits TV et des intérêts financiers importants, je pense que tous les autres sports collectifs ne reprendront pas. »
« Je respecte le confinement »
JHM : Comment jugez-vous votre place ?
K. R. : « Nous sommes au milieu du tableau, avec des succès contre les équipes en-dessous et beaucoup de défaites contre les leaders. L’an passé, nous avons fini 10e et finalistes de la coupe de France. Nous sommes en progression. Nous avons l’équipe la plus jeune du championnat, la deuxième défense et aussi la moins bonne attaque. Nous ne sommes qu’au début de notre projet. »
JHM : Sur le plan personnel, vous avez été blessé. Est-ce un lointain souvenir ?
K. R. : « J’ai eu une désinsertion de l’adducteur fin décembre qui m’a privé de la coupe d’Afrique des nations (l’Algérie a fini 3e et a obtenu son billet pour les Mondiaux 2021 en Egypte). Je ne me suis pas fait opérer. J’ai repris sur deux bouts de matches à Nîmes, fin février (défaite 30-28), puis le dernier contre Istres (défaite 26-24). J’ai récupéré le brassard de capitaine en cours de saison, j’ai prolongé mon contrat jusqu’en 2022. Cette coupure est finalement un mal pour un bien. Même si j’ai envie de jouer. »
JHM : Comment vivez-vous le confinement ?
K. R. : « Pour un sportif de haut niveau, qui bouge tout le temps, c’est difficile de ne pas pouvoir se défouler. Je ne sors pas de chez moi. J’ai récupéré un vélo d’appartement, je fais des pompes, du gainage, dans la cour, de la corde à sauter et des appuis. C’est un crève-cœur. Je respecte le confinement. Je ne fais pas de footing dehors comme certains coureurs du dimanche. Si nous nous arrêtons six mois, cela sera long. C’est difficile psychologiquement de ne pas bouger de chez soi. Mais c’est comme cela que le combat sera gagné. Après, je comprends que des gens dans des petits appartements, avec des enfants, aient beaucoup de mal. Je pense aux personnels soignants, aux caissières, aux éboueurs qui prennent des risques. A nous de nous protéger. J’ai beaucoup de respect pour les gens qui travaillent. Je ne sais pas si j’y serais allé. »
Propos recueillis par Nicolas Chapon