Julien Denormandie entend “augmenter la pression dans le tube”
Ce lundi 6 décembre, Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, et Bérangère Abba, secrétaire d’Etat chargée de la Biodiversité étaient à Chaumont pour inaugurer le nouveau bâtiment de la Maison de l’Agriculture. L’occasion de se pencher sur les sujets agricoles du moment. Interview.
JHM : 3 400 ateliers laitiers en Haute-Marne en 1980. 400 aujourd’hui. L’élevage est en train de disparaître en Haute-Marne et, en particulier, chez les producteurs de lait. Est-ce que le département et la France sont condamnés à perdre ce pan de l’économie ?
Julien Denormandie : Non. Il n’en est pas question. Pour arrêter l’hémorragie, nous avons deux voies d’action indissociables : la considération et la rémunération. La société actuelle a perdu toute raison et ne fonctionne que sur le coup de l’émotion. Les abattoirs en est le meilleur exemple alors que nous devrions en être fier. Les éleveurs ont perdu la considération dont ils ont tant besoin et qu’ils méritent étant donné la qualité de leur travail. Nous y travaillons.
Quant à la rémunération, en élevage laitier et viande, elle est le problème fondamental de la profession. Depuis 30 ans, les éleveurs accèdent aux mêmes prix alors que les charges ne cessent d’augmenter. Le point central est le coût du travail et la loi Egalim 2 doit régler le problème. Elle a été adoptée mi-octobre. Elle a été travaillée avec la profession et elle prévoit de réguler les rapports entre les producteurs, les industriels et la grande distribution pour une meilleure répartition de la valeur ajoutée.
Pour qu’elle ne soit pas contournée comme Egalim 1, le gouvernement s’assurera que la loi soit respectée. Alors que les négociations commerciales viennent de débuter et dureront jusqu’à la fin du mois de février, les contrôles de la DGCCRF seront multipliés par quatre. Nous augmentons la pression dans le tube et dans les rapports de force.
JHM : N’y a-t-il pas un problème aussi dans le comportement des consommateurs ?
Julien Denormandie : Le troisième volet dans notre action est au niveau des donneurs d’ordres. Il y a les consommateurs qui doivent faire le choix des produits locaux en acceptant de payer la valeur nutritive et la qualité. Dans le cas contraire, ils font le choix des importations sans règle et sans assurance. Je préfère croire aux élevages français.
L’autre donneur d’ordres est les collectivités locales et l’Etat qui, aujourd’hui, consomment 50 % de viande importée. Ce n’est pas acceptable. Un décret sera promulgué prochainement afin que l’origine des viandes en restauration collective soit affichée et accessible.
Principe de réciprocité
Nous devons nous battre sur l’origine des produits et c’est pourquoi le conseil environnemental et agricole se bat sur le principe de réciprocité. Comment est-il possible d’autoriser l’entrée de produits en France alors qu’ils sont interdits à la production ? Je pense aux antibiotiques, à certains intrants ou aux produits issus de la déforestation des sols. Tout ceci a un lien direct avec le plan protéine que la France met en place.
JHM : Par rapport au loup, est-ce que les éleveurs vont devoir apprendre à vivre avec ?
Bérangère Abba : C’est un équilibre à trouver. Il avait sa place autrefois et sa réintroduction doit rester tenable. Mais, avant tout, il faut objectiver le comptage et se mettre d’accord sur les populations présentes en France. Seul ce comptage permettra un constat objectif et des actions.
En attendant, nous faciliterons les constatations faites par l’Office français de la biodiversité et nous rendrons les démarches plus fluides et plus rapides.
JHM : La profession d’éleveurs est celle qui a le plus fort taux de suicide. Un plan de prévention vient d’être présenté. Quelles en sont les grandes lignes ?
Julien Denormandie : La lutte contre les détresses en agriculture s’inscrit également dans la logique d’une meilleure considération et d’une meilleure rémunération. Notre objectif est de mieux accompagner et de mieux prévenir.
Le plan tient en trois points : aller vers les personnes en difficultés psychiques grâce aux sentinelles dont le nombre va augmenter, harmoniser les procédures afin que, dans ces moments, des courriers de relance administrative n’aggravent pas la situation et le renforcement de l’accompagnement. La ligne de crédit pour cet accompagnement va augmenter de 40 %.
Propos recueillis par Frédéric Thévenin
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