Juan Oso : le travail et l’entreprise pour écrire son histoire
« Ma République, c’est la France » explique Juan Oso en français. Le jeune homme d’origine kurde a trouvé du travail à Chaumont, chez Soremo. Il a maintenant deux enfants, qui parlent français. Histoire d’une intégration par l’entreprise.
Étonnante trajectoire que celle de Juan Oso. Le jeune père de famille travaille chez Soremo, le leader européen du recyclage de moteurs, à Chaumont. Depuis 2019, il s’y est fait sa place. Mais quel parcours ! Car rien, absolument rien ne destinait le jeune Syrien à s’installer un jour en Haute-Marne, à y élever ses enfants dans les valeurs de la République, à y travailler pour nourrir sa nouvelle famille.
Voilà 29 ans, Juan naît à Alep au sein d’une famille kurde. Être Kurde en Syrie, impossible gageure. Adolescent, il devine vite que son destin ne s’écrira pas dans ce pays ravagé par la guerre, car il entend bien l’écrire lui-même, son histoire. À 15 ans, il quitte les siens et part en Turquie. Déjà, il travaille. Il est tailleur, dans une usine de textile. Il y restera cinq ans ; le temps aussi de rencontrer une jeune femme qui ne le quittera plus.
Exploités pour un salaire de misère dans un pays qui hait les Kurdes, Juan et son amie décident de tout tenter pour une autre vie. Pour eux, cette autre vie, c’est l’Europe.
Ils paient un passeur deux fois 700 dollars – une fortune pour eux – et embarquent sur un rafiot de 8 m de long et 2 m de large avec… plus de cinquante autres clandestins ! Un seul petit moteur. Une pure folie. Avec l’avenir à écrire, à l’autre bout de la mer. S’ils l’atteignent.
Ils l’atteignent. Vivants. Les voilà réfugiés parmi les réfugiés, sur un nouveau continent qui les reçoit, méfiant, du bout des doigts. En Grèce, ils resteront un an et demi. Juan est travailleur. Il vit de petits boulots. Mais il sait ce qu’il veut. Même s’il ne sait pas encore où cela se fera. Comme il a de la suite dans les idées, il épouse sa jeune compagne. Il dépose des dizaines de demandes, remplit des tonnes de dossiers pour avoir le droit de gagner l’autre Europe : celle de l’ouest. Un jour, une place est disponible en France. La France ? Il ne parle pas un mot de français : le kurde, l’arabe, le turque, c’est déjà pas mal… Mais Juan n’hésite pas une seconde : ce sera la France !
Le 27 avril 2017, le jeune couple intimidé arrive à Metz. Juan a l’opportunité de travailler dans une boulangerie. Naturellement, il la saisit. Dans une autre vie, il était tailleur. Le voilà boulanger, prêt à se lever tôt, prêt à s’intégrer.
Un ami syrien installé en Haute-Marne et salarié chez Soremo le convainc de venir à Chaumont. Il y gagnera un bon job. Parce qu’entre temps est né un premier enfant.
Le quartier où il trouve un appartement, et l’usine, au fin fond de la zone industrielle, sont séparés par une vallée, un viaduc et plusieurs kilomètres. Peu importe. Il sait pédaler. Il le veut, ce travail.
Il l’a. Il le garde. Parce qu’il est sérieux, bosseur. Cela se constate à l’entreprise. En dehors aussi : Juan apprend le français. Il passe le permis de conduire, aussi. Maintenant, il vient travailler en voiture.
Juan Oso a conservé des contacts avec sa famille restée en Syrie. Ils vivent sous tente, dans un camp de réfugiés. Quand ils ont du réseau, ils utilisent WhatsApp, pour se parler. Mais du réseau, là-bas…
Une des sœurs de Juan a tenté l’aventure, elle aussi. Elle vit désormais en Allemagne. Il va la voir, quand il peut.
Chez Soremo, dans l’entreprise qui lui a donné sa chance et qui s’en félicite, Juan explique aujourd’hui : « J’ai trouvé le bonheur ici. Le meilleur souvenir de ma vie, c’est mon arrivée à Chaumont. J’ai tout perdu, en Syrie. Jamais je n’y retournerai. Ma République, c’est la France ».
Le rêve du jeune salarié sérieux, intégré par l’entreprise, n’est pas tout à fait terminé : « Mon rêve ? Devenir français ».