Journée test – L’édito de Patrice Chabanet
Un mouvement imprévisible rend aléatoire l’exercice de la prévision, surtout lorsqu’il rejette toute idée d’organisation. Sur cette base-là, comment évaluer ce que donneront aujourd’hui les manifestations des gilets jaunes ? Les appels à manifester qui circulent sur les réseaux sociaux et les soutiens individuels qu’ils recueillent semblent indiquer qu’ils seront encore nombreux à battre le pavé de Paris ou de plusieurs villes de province. Mais on ne peut pas ignorer certaines évolutions depuis samedi dernier. La branche modérée du mouvement préfère désormais s’engager sur le chemin de la négociation. Par ailleurs, les mesures annoncées par le gouvernement – un package de dix milliards d’euros – peuvent être considérées comme tardives, mais pas comme insignifiantes. Enfin, les propos des plus extrémistes accusant le gouvernement d’avoir instrumentalisé, pour ne pas dire manigancé, l’attentat de Strasbourg pour faire diversion, n’est certainement pas le meilleur moyen de conforter la sympathie de l’opinion publique. Autre évolution significative : la droite de gouvernement, sans atténuer ses critiques à l’égard du chef de l’Etat, s’est bien gardée d’encourager cette fois-ci les gilets jaunes à manifester. On saura dès la fin de la matinée si ces facteurs susceptibles de réduire l’ampleur des rassemblements l’emportent sur la capacité du mouvement à mobiliser ses troupes.
L’autre interrogation concerne bien sûr la violence. Il n’y a pas de miracle en la matière. Les casseurs seront encore là, par l’odeur du pillage alléchés. La dernière fois, ils ont été éloignés des lieux emblématiques comme l’Arc de Triomphe, mais ils se sont rattrapés en dévastant certains quartiers de Paris. Il ne faut pas non plus focaliser son attention sur la capitale. Des villes comme Toulouse ou Bordeaux ont été particulièrement saccagées. Si les casseurs affinent leur stratégie de samedi en samedi, les forces de l’ordre, elles aussi, améliorent leurs méthodes d’une semaine à l’autre. Dès lors, on peut craindre que la confrontation de plus en plus musclée des ultras, quel que soit leur bord, et des policiers ou des gendarmes puisse, tôt ou tard, provoquer des victimes.