Jour de vérité – L’édito de Christophe Bonnefoy
Que faut-il déduire du nombre de manifestants dans les rues hier ? S’ils avaient été dix fois moins… ou dix fois plus que jeudi dernier, on aurait effectivement pu en conclure que, dans le premier cas, Edouard Philippe avait réussi à désamorcer le mouvement. Ou que dans le second, il avait, par une énorme maladresse, ouvert la porte à une fronde démultipliée.
Ni l’un, ni l’autre. On pourra toujours jouer sur les chiffres, mais les Français sont descendus moins nombreux dans la rue que la semaine dernière. En masse tout de même.
Considérons donc que la mobilisation d’hier était transitoire. Jeudi 5, c’est une inquiétude mêlée de colère qui s’est exprimée. Selon ce qu’annoncera aujourd’hui le Premier ministre, ce jeudi 12 affichera la couleur d’une méfiance face à un projet remodelé ou carrément l’exaspération née d’un statu quo. Autrement dit, si manifestation il doit à nouveau y avoir, elle sera là pour rappeler que les Français resteront vigilants face à la réforme, même réarrangée. Ou qu’au contraire, ils ne sont pas près de lâcher l’affaire devant l’obstination du gouvernement, s’il refuse de changer une seule virgule de son projet. Et qu’ils s’engagent dans un rude combat, dans la durée.
On en saura plus aujourd’hui, même si l’exécutif ne semble pas vraiment enclin à mettre beaucoup d’eau dans son vin. En attendant, Edouard Philippe peut d’ores et déjà constater qu’il y a eu raté. On nous avait par le passé promis de la pédagogie, après quelques couacs notables. De pédagogie il n’y a pas eu ici, puisque le contenu même de la future réforme est on ne peut plus flou, et ce, depuis le début. De quoi inquiéter des Français qui ne savent pas à quelle sauce ils vont être mangés. Ils ont en revanche le sentiment qu’elle aura un goût très amer.