Jeux dangereux – L’édito de Christophe Bonnefoy
Lorsqu’un professeur meurt égorgé devant son établissement, le monde politique réussit tant bien que mal à parler d’une seule voix pour dénoncer l’ignominie. Mais on le sait, ce qu’on pourrait appeler l’union sacrée ne dure jamais très longtemps. Et pour le coup, en plus d’ôter sauvagement une vie, les terroristes gagnent alors, d’une certaine manière, à diviser la société qu’ils veulent anéantir.
A Trappes, Samuel Paty est dans tous les esprits. Mais le professeur menacé se nomme ici Didier Lemaire. Et il faut bien avouer que le spectacle proposé depuis quelques jours est tout simplement lamentable. Inquiétant même. Et au final sert les intérêts des extrémistes religieux. Il aura ainsi suffi que l’enseignant dénonce une montée du communautarisme dans sa ville pour que chacun en arrive à tirer à vue. D’un côté donc, un prof de philo qui publie une tribune et dénonce « l’absence de stratégie de l’Etat pour vaincre l’islamisme ». On peut être d’accord avec lui ou au contraire en contester le contenu. C’est le jeu, si l’on peut dire, de la démocratie. De l’autre côté, notamment, un maire qui aurait sans doute été bien inspiré d’essayer de comprendre pourquoi un enseignant en arrive à devoir bénéficier d’une protection rapprochée. C’est tout l’inverse : il préfère minimiser la menace et traiter, à mots à peine retenus, Didier Lemaire de menteur. Et d’une certaine manière le désigne encore un peu plus comme cible. Cerise sur le gâteau indigeste : la distribution de tracts par des élus, devant, puis dans le lycée du professeur. Contre lui. Les mêmes, d’ailleurs, qui considèrent sans doute, on l’espère en tout cas, qu’un établissement scolaire doit rester un sanctuaire inviolable.
Un lycée ne saurait voir se développer en son sein les doctrines religieuses. Les élus – de la République rappelons-le – n’ont pas, non plus, à y faire entrer le débat politique. Qui plus est, jeter de l’huile sur le feu n’a jamais éteint les incendies.
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