Jeanne Mance, la plus langroise des Québécoises
Cofondatrice de la cité de Montréal et véritable icône du peuple québécois, Jeanne Mance est née à Langres en 1606 et y a passé plus d’une trentaine d’années, avant de partir pour le Nouveau monde accomplir son destin.
Si l’on demande à un Français à quelle personnalité il identifie à la Ville de Langres, celui-ci répondra, avec une probabilité de l’ordre de 99 % : « Denis Diderot » (lire par ailleurs). La même question adressée à un Québécois recevra en revanche en retour, et avec le même ratio, une réponse bien différente : « Jeanne Mance ». Si cette figure majeure de l’Histoire du Nouveau monde est quasi-inconnue au pays de Molière, elle a, a contrario, un statut d’icône au Québec, où son aura est similaire à celle de Jeanne d’Arc pour les Français. Débarquée en Amérique du nord en 1641, Jeanne Mance s’y est imposée comme une bâtisseuse, cofondatrice de la ville de Montréal et créatrice de l’hôpital de l’Hôtel-Dieu, où elle a pu exercer son métier de soignante pendant de nombreuses années, avant de mourir le 18 juin 1673. Reconnue par l’Eglise catholique pour ses mérites et son dévouement, elle a été, en 2015, déclarée “vénérable” par le pape François, la première étape du processus de béatification.
Avant de partir pour l’Amérique, toutefois, c’est bien Langres que Jeanne Mance a marquée de son empreinte, et ce durant plus de trente ans. Paradoxalement, ce sont ces premières années qui ont longtemps été ignorées, faute de matériel historique. Pendant des siècles, Jeanne Mance était, aux yeux des Québécois, réputée née à Nogent-en-Bassigny. Il a fallu attendre 1932, et les découvertes du chanoine langrois René Roussel, pour fixer sa naissance et sa jeunesse dans la cité lingonne. Depuis, les historiens ont pu établir avec plus de précision l’ensemble de son parcours en terre langroise.
Une vocation de missionnaire
Née le 12 novembre 1606, la jeune Jeanne Mance a la chance de voir le jour dans une famille pour le moins aisée. Son père, Charles Mance, est le procureur du roi de France au sein de l’évêché de Langres, tandis que sa mère, Catherine Emmonot, est la fille du précédent procureur. Au sein de cette noblesse de robe, Jeanne Mance, peu désireuse de servir dans les ordres, va assister son père tout en effectuant des études médicales pour devenir soignante. Elle acquiert ainsi une bonne instruction et une culture conséquente. Dans les années 1630, Jeanne Mance se dévoue corps et âme pour soigner et aider les Langrois victimes de la Grande Peste. Elle contribue à la création et au fonctionnement du pestarium de Brevoines, où elle officie presque jour et nuit.
Parallèlement, elle se pique de curiosité pour le continent alors appelé “Nouveau monde” (l’Amérique) et lit avec un intérêt croissant les informations et récits s’y rapportant. Sentant une vocation de missionnaire grandir en elle, elle rejoint, en 1640, Paris, pour y rencontrer plusieurs missionnaires sur le retour, dont Charles Lalemant. Sa décision, irrévocable, est prise, et c’est au printemps 1641 qu’elle embarque à La Rochelle, avec Paul de Chomedey de Maisonneuve, en direction des côtes canadiennes. Ensemble, ils y fonderont un petit village baptisé Montréal. Le reste, comme on dit, appartient à l’Histoire…
Nicolas Corté
n.corte@jhm-fr