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Jean-Pierre Nicolas, passeur de mémoire

En janvier 2020, Jean-Pierre Nicolas (à gauche) avait organisé une cérémonie du souvenir à Bourbonne. (Photo d’archives).

Originaire de Bourbonne-les-Bains, ce docteur en sciences sociales angevin travaille depuis plusieurs années sur l’extermination des juifs en Haute-Marne. Il organisera deux cérémonies du souvenir, dans sa cité natale et à Laferté-sur-Amance, les 27 et 28 janvier 2024. Pour Jhm Quotidien, il explique la raison de sa démarche.

« Baignant dans un milieu professionnel et culturel à Angers depuis plus de 50 ans […], j’ai sacrifié à la mode et au désir de « me connaître ». Entre les années 1980-1986, j’ai choisi d’aller sur un divan d’analyste […] Au cours d’une séance, un prénom et un nom sont sortis de mon inconscient comme tant d’autres non-dits : Gilbert Makowski. Descendant une dizaine d’années plus tard dans un hôtel à Bourbonne, je trouve sur la commode du salon une brochure posée là par le destin. Le titre : Jeudi noir pour les juifs raflés en Haute-Marne édité par le club Mémoires 52 sous la plume de Jean-Marie Chirol. Je feuillette. Une liste classée par lieu de domicile : « Auberive, Bienville, Bourbonne… ». Les noms sont classés par ordre alphabétique. Je lis : « Makowski Benjamin, Selma, Elie, Denise, Gilbert… » Choc ! Je ne me souviens pas de l’émotion qui dût être la mienne mais j’ai su ce jour-là que je voulais en savoir plus. Je remarquai que Gilbert était né à Bourbonne, six mois avant moi, en 1940.

Vers 2017, je rencontre un ami d’enfance, toujours dans cette ville, qui m’emmène dans un couloir de l’école primaire que j’ai fréquenté (1946-1952) ; il me dévoile une plaque mémorielle empoussiérée, jaunie sur laquelle figurent quatre noms : Françoise et Marcel Frydel, Denise et Elie Makowski, « déportés et disparus en Allemagne…souvenons nous ! ». Un impératif catégorique s’imposait […] Je sentais en moi une force qui me poussait à un « devoir faire », au moins symboliquement.

« Ils n’ont pas réussi »

J’avais, entre-temps, découvert qu’à Angers […], près de 1 000 juifs avaient été arrêtés et transférés en juillet 1942 directement à Auschwitz pour y être gazés et 24 juifs en 1944. Ces derniers avaient été arrêtés, transportés, poussés, tassés, bousculés dans le même convoi 68 qui avait emmené les juifs de Haute-Marne à Auschwitz pour y être exterminés par le gaz le 13 février 1944. […]

Je devais répondre à l’impératif intérieur qui me poussait. J’ai rédigé pour ce faire des « fragments biographiques » dont j’avais utilisé les principes méthodologiques à d’autres moments de ma vie professionnelle et universitaire […]

La rencontre avec les descendants de ces familles par interview, des échanges par téléphone, par mails, des rédactions faites et refaites, la fréquentation de nos magnifiques Archives départementales tant à Chaumont qu’à Angers fut mon quotidien depuis sept ans. Je ne pouvais respecter la « neutralité axiologique » apprise à l’école de Max Weber et constatai très vite, par exemple avec Roos Eliagyl qui avait lu le texte fait pour les Shuhl de Bourbonne, louait « mon empathie » rédactionnelle. J’ai choisi cette voie. « L’empathie pour les victimes ». Restaurer ainsi l’identité de ces hommes, femmes et enfants persécutés par des bourreaux ordinaires. J’ai dit et je dis aux nazis, comme d’autres chercheurs en sciences sociales, qu’ils n’ont pas réussi dans leur entreprise. […]

Etre au rendez-vous

Julien Freund, professeur de sociologie qui fut un grand résistant, qui fut mon directeur de thèse, a écrit un livre magistral à la fin de sa vie : « La décadence ». Aujourd’hui, 27 janvier 2024, jour devenu jour de la Mémoire des « crimes de génocide » et de « Prévention des crimes contre l’humanité », si les enseignants et leurs élèves, si les citoyens ordinaires ne sont pas au rendez-vous dans leurs communes, les exhortations de Julien Freud auront été vaines. Face aux menaces qui pèsent de manière croissante, si le rendez-vous est manqué, ce fait confirmera que nous serons inexorablement entrés en décadence. »

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