Jean Michelin I, le dessein protestant
Ces illustres inconnus de Langrois. Denis Diderot, Jeanne Mance, Sabinus… Des Langrois ont su marquer l’Histoire de leur empreinte. Mais, à côté, ils ont été nombreux à avoir une grande carrière dans leur domaine, tout en restant inconnus, ou presque, à Langres. Aujourd’hui, Jean Michelin I.
Durant la Renaissance, il n’était pas rare que, au sein d’une famille, le même prénom se transmette de père en fils. Une tradition qui, les siècles passant, a parfois fini par créer de la confusion, au sein des sources, autour de certaines personnalités. Ainsi de la famille de peintres Michelin, à Langres, dont les trois plus éminents représentants… se prénomment tous Jean. Le père, le fils et le neveu. Né vers 1571, Jean Michelin I occupe la maison familiale de la rue du Grand-Bie en compagnie de son frère, Girault Michelin, lui aussi artiste peintre.
Véritable lignée d’artistes, la famille Michelin se distingue aussi par un protestantisme (calviniste) assumé, à une époque où les tensions religieuses sont encore vives. Si l’édit de Nantes du roi Henri IV (photo), de 1598, a amené de l’apaisement, une de ses dispositions prévoit le maintien de l’interdiction de l’exercice du culte protestant dans les sièges d’évêché, ce qui est le cas de Langres. Néanmoins, dans un premier temps, les choses se passent paisiblement pour Jean Michelin I.
Peintre talentueux, il est sollicité, en plusieurs occasions, pour la décoration de la ville de Langres, en alternance ou conjointement avec des peintres catholiques. Selon le docteur Henry Ronot, historien de l’art spécialisé dans les peintres langrois, il s’occupe ainsi de la décoration des portiques (1608), de l’embellissement de la cité pour le baptême du fils du gouverneur (1611), ou encore pour la réception du duc de Rethel, nouveau gouverneur de Champagne (1618). Il semble avoir aussi avoir travaillé, au début du XVIIe siècle, pour le roi Henri IV en personne (photo), puisque des copies de célèbres œuvres, commandées par le souverain pour la chambre des Bains du château de Fontainebleau, sont signées Jean Michelin. Toutefois, aucune source relative à cette commande supposée n’a pu être retrouvée.
Le choix de l’exil
Si les catholiques les plus fervents sont mécontents de la confiance accordée à Jean Michelin I, l’autorité morale du maire, Jean Roussat, qui adopte une politique de réconcilitation religieuse, les dissuade d’actions trop violentes. Cependant, en 1613, une manifestation de protestation a lieu devant le domicile des Michelin, après que Jean Michelin I a publiquement exigé la construction d’un lieu de culte protestant. Dix ans plus tard, lors des fêtes de Noël de 1623, le peintre calviniste accueille une vingtaine de coreligionnaires en sa demeure. Mais la nouvelle fuite dans tout-Langres. Cette fois, comme l’indique l’historien langrois Georges Viard dans un bulletin de la Société historique et archéologique de Langres (Shal) daté de 1977, l’évêque et les catholiques sont furieux, et la famille Michelin préfère quitter Langres l’année suivante pour rejoindre la cohorte des réfugiés protestants à Paris.
Seul Girault Michelin, frère de Jean I, semble rester à Langres puisque sa présence est encore attestée en 1632. Jean Michelin I, lui, se remarie en 1625 puis s’éteint dans la capitale en 1641. Son fils, Jean Michelin II, deviendra l’élève des frères Le Nain. Son neveu (et non fils cadet, comme indiqué par erreur sur Wikipédia), fils de Girault, Jean Michelin III, deviendra, lui aussi, un artiste réputé. Nous y reviendrons dans nos deux prochaines rubriques.
N. C.