Jean-Baptiste Alphonse Chevallier, pionnier de l’expertise légale
CES ILLUSTRES INCONNUS DE LANGROIS. Denis Diderot, Jeanne Mance, Sabinus, Michel Henry… Des Langrois, au fil des siècles, ont su marquer l’Histoire de leur empreinte. Mais, à côté de ces héros incontournables, ils ont été nombreux à avoir une grande carrière dans leur domaine, tout en restant inconnus, ou presque, à Langres. Ce sont “les illustres inconnus de Langrois”. Aujourd’hui, Jean-Baptiste Alphonse Chevallier.
Dressant sa biographie dans le numéro 249, en 1981, de la Revue d’histoire de la pharmacie, l’historien Pierre Julien en fait l’observation : l’œuvre de Jean-Baptiste Alphonse Chevallier est « regrettablement méconnue ». Les lecteurs de la présente rubrique l’ont d’ailleurs constaté : nombre des “illustres inconnus de Langrois” ayant brillé dans leur domaine ont cultivé une forme de discrétion qui, souvent, les ont injustement entravés dans leur accès à une postérité pourtant méritée. Il s’agit peut-être un trait de caractère issu du pays…
Jean-Baptiste Alphonse Chevallier ne fait pas exception. Pionnier de l’expertiste légale et de la toxicologie, il ne jouit pourtant pas du prestige qui devrait être le sien dans l’Histoire de la pharmacie et de la criminologie, et son parcours, bien que solidement documenté, reste encore largement condamné aux oubliettes. La prestigieuse revue Nature lui consacre toutefois, en anglais, une notice biographique.
Désinfection de Paris
Jean-Baptiste Alphonse Chevallier est né à Langres le 19 juillet 1793. Il quitte toutefois la cité de Diderot dès l’âge de 14 ans pour devenir l’apprenti du pharmacien Pierre-François Guillaume Boullay, à Paris. C’est là qu’il s’initie, auprès d’un maître réputé, aux rudiments de la pharmacie qu’il portera plus tard sur des pinacles innovants. Par la suite, il entre au laboratoire du Muséum d’histoire naturelle, pour y devenir l’assistant de Nicolas-Louis Vauquelin. Il est cependant contraint, en 1812 et 1813, de rejoindre la Grande Armée napoléonienne. Il participe notamment à la bataille de Leipzig, durant laquelle il est blessé.
De retour à Paris à partir de 1814, il travaille dans plusieurs hôpitaux (Saint-Louis, La Pitié et Cochin). Il est diplômé en 1822 de l’École de pharmacie de Paris, et intègre l’Académie royale de médecine en 1824. C’est à cette date que sa carrière va prendre un véritable essor. Se spécialisant dans l’hygiène publique, il intègre le Conseil de salubrité de département de la Seine la même année, avant de devenir, à partir de 1831, conseiller de la Ville de Paris pour les questions d’hygiène. C’est à ce poste qu’il est le premier à véritablement assainir la capitale française, en javellisant les égoûts pour les désinfecter puis en faisant procéder à l’assainissement du canal Saint-Martin.
Un précurseur de la toxicologie industrielle
Sa deuxième et sans doute principale grande contribution sera en tant que pionnier de l’expertise légale, aussi bien dans dans le domaine médical que dans celui de la toxicologie industrielle. Auteur du “Dictionnaire des altérations et falsifications”, il enquête, entre autres, sur la nocivité des colorants alimentaires ou dans la production de jouets, ou encore sur certains trafics dans la confiserie. Il milite pour le renforcement de la sécurité au travail et a également, entre autres, joué un rôle important dans la découverte d’un empoisonnement dans la nappe phréatique de Bussang-sur-Orge.
Désireux de vulgariser son art et ses travaux, il est, pendant près de 40 ans, le rédacteur en chef des Annales d’hygiène publique et de médecine légale, et contribue par ailleurs au Journal de chimie médicale. Il cofonde, en 1868, la Société de médecine légale. Consacré officier de la Légion d’honneur, il meurt à Paris le 29 novembre 1879.
N. C.