Elie Semoun à Saint-Dizier : « Je veux un spectacle qui fait du bon trash »
HUMOURS D’HIVERS. L’humoriste présente son spectacle “Elie et ses monstres” le 28 janvier, aux Fuseaux. Ses personnages – du djihadiste repenti aux couples qui se rencontrent sur un Tinder pour racistes, ou de l’handicapé heureux – révèlent nos travers et notre jugement sur les autres.
jhm quotidien : Pourquoi « les monstres » ? C’est un terme dur pour certains de vos personnages.
Elie Semoun : Ce n’est pas dur, c’est réaliste. L’appellation “monstres” n’est pas à prendre au premier degré. C’est comme dans le film “Freaks”, qui se déroule dans un cirque, et montre des nains, une femme à barbe, etc. C’est le regard que l’on porte sur eux qui fait, au final, que ce sont nous les monstres. Dans mon spectacle, il y a un handicapé moteur, notre regard sur lui est monstrueux. Il y a aussi ce couple qui se rencontre grâce à une application qui trouve des racistes à 300 m. Les monstres, c’est moi, c’est tout le monde. D’ailleurs, mon affiche, c’est l’image d’un cirque.
jhm quotidien : Vos personnages reflètent les travers de la société. Depuis que vous avez débuté, qu’est-ce qui a changé ?
E. S. : La société a évolué, elle est de plus en plus violente, de plus en plus raciste et de plus en plus crue. Si vous regardez BFM toute la journée, vous allez finir par voter Zemmour. Nous les humoristes, on est des clowns, des bouffons, on retranscrit ce qu’on ressent.
jhm quotidien : Vous aviez soutenu la gauche à une époque. Vous comptez apporter votre soutien aux présidentielles ?
E. S. : Plus maintenant, les artistes ne sont pas là pour ça. Si vous dites que vous allez voter Macron, ça va diviser le public, alors qu’on est là pour les faire rire, les faire rêver. Je reçois beaucoup de messages de remerciement du public pour l’avoir fait rire. Bien sûr, je dirai toujours que je ne voterai ni Zemmour, ni Le Pen.
jhm quotidien : Vous avez encore écrit avec Muriel Robin. A quoi tient cette fidélité ?
E. S. : J’ai écrit un sketch avec elle, mais j’écris aussi avec Manu Payet, Fredéric Hazan. J’aime le partage, l’écriture à deux. Elle, c’est mon amie depuis longtemps, j’ai besoin de son regard sur mon spectacle. Même avec Dieudonné, on le présentait à Muriel.
jhm quotidien : Quel personnage vous ressemble le plus ?
E. S. : Je parle de la disparition de ma mère avec le sketch de l’urne funéraire. Mais ce n’est pas difficile de l’évoquer car tout ce qui est sur scène reste du spectacle. Ce n’est pas comme si je me mettais à parler de ma tristesse d’avoir perdu ma mère, ce serait glauque. Je mets surtout un point d’honneur à trouver des personnages originaux, qu’on se dise « c’est un spectacle que je n’avais jamais vu ». Je veux un spectacle qui fait du bon trash, très limite.
jhm quotidien : Il paraît qu’on ne peut plus dire ce que l’on veut.
E. S. : Non, c’est faux. Ce qui est vrai, c’est que les gens regrettent une certaine époque. Mais sur scène, on peut tout dire. Il y a un manque de volonté et de courage pour le faire.
jhm quotidien : Vous avez tenu un seul rôle dramatique. Vous souhaiteriez en faire plus ?
E. S. : Je viens de réaliser mon deuxième film “Ducobu président”, où je joue un rôle très comique à la Louis de Funès, et ça m’a donné envie de faire autre chose. J’écris un film sur la maladie d’Alzheimer (son papa décédé souffrait de la maladie, ndlr). C’est vrai que j’aimerais passer à un autre registre même si faire rire est un don du ciel. On ne me fait pas d’offre alors j’écris car on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même.
jhm quotidien : Dans “Silence, ça pousse”, vous racontiez vos emplettes de plantes et fleurs dans chaque ville où vous aviez un spectacle. On va vous voir dans les magasins de Saint-Dizier ?
E. S. : Dès que j’ai du temps, je vais chez les pépiniéristes. Et comme on a des voitures de location en tournée, j’y mets de la terre partout. Là, on est en hiver, dans les pots, il y a surtout de la terre et des brindilles. Au printemps, c’est mieux.
jhm quotidien : Vous avez une ruche aussi. Vous avez le temps de tout faire ?
E. S. : Quand on aime faire les choses, on trouve le temps. Cette année, la ruche n’a rien donné, j’avais mis une housse, je l’ai sortie, il n’y avait rien. Et j’ai eu des soucis avec le frelon asiatique. Une année, j’avais eu 20 kg de miel.
jhm quotidien : Qu’est-ce qui vous remplit de joie dans la journée ?
E. S. : La création. Là, je pars à la projection de mon film “Ducobu” pour l’équipe technique et je suis dans l’attente de mon prochain film sur Alzheimer. Une fois que c’est fait, on est content. Mais quand on est en train de faire, on est dans l’excitation, la réalisation.
Marie-Hélène Degaugue