Insoutenable – L’édito de Patrice Chabanet
Le coronavirus n’est pas le seul à faire peser une menace sur l’espèce humaine. Un autre virus, plus cruel, fabriqué par l’Homme, est porteur de danger pour le vivre ensemble. Ses caractéristiques principales: l’indifférence, et la lâcheté. Nouvelle preuve nous en est donnée avec le traitement réservé aux réfugiés du Nord-Est de la Syrie. Ces centaines de milliers de personnes ont perdu le statut d’être humain. Ils sont considérés comme une masse de manœuvre dans le conflit qui oppose Erdogan à la Syrie et son allié russe. Le leader turc menace de les lâcher comme des fauves pour déstabiliser l’Europe. Déjà des grappes de réfugiés sont parties par la mer pour rejoindre la Grèce. Beaucoup sont pleinement conscients qu’ils ne seront pas accueillis à bras ouverts. Mais tous sont convaincus qu’un mauvais accueil sera plus supportable qu’une vie sous les bombes.
L’Europe n’en fait pas mystère : elle veut faire barrage à une vague sur laquelle surfent les partis d’extrême droite. Ils ne se cachent même plus. En Grèce, c’est le sinistre parti Aube dorée, franchement nazi, qui empêche les embarcations d’accoster et qui fait le coup de poing avec les membres des associations humanitaires.
L’imbroglio diplomatico-militaire nous fait oublier qu’on n’a pas affaire à un kriegspiel. Ce sont des êtres de chair et de sang qui souffrent. C’est le spectacle insoutenable d’enfants entrés dans la vie au mauvais endroit et au mauvais moment. Personne ne peut dire quand ce mauvais film se terminera. On peut compter sur le cynisme d’Erdorgan pour laisser filer – aussi – des djihadistes. Force est de constater qu’aucune solution durable n’est en vue, avec une Europe politiquement sous-dimensionnée et une Amérique totalement absente.