Inflation et réveillons ont-ils convolé en justes noces ?
L’inflation a été au cœur de l’actualité de l’année 2022 à partir du printemps. Son impact sur le quotidien des foyers a été commenté, dénoncé, déploré. Mais au regard de leur attachement aux fêtes de fin d’année, ceux-ci ont-ils enjambé la hausse des prix aux réveillons ?
« Je travaille plus que plein pot toute l’année. Après, au moment des fêtes, je me fais plaisir. En revanche, je suis quand même allée à la station-service juste avant le réveillon du Nouvel An ». Instants sacrés, juste rééquilibrage voire récompense, c’est à l’aune de ces motifs que Christelle a posé des limites à la surveillance de son budget. Certes, celle-ci a nécessairement la possibilité de relâcher sa vigilance, l’espace de deux réveillons.
Reste que c’est aussi indiquer le niveau au-delà duquel on refuse d’aller. Pariant en somme sur ce bref répit pour de nouveau avoir à l’œil ses finances, une affaire qu’on sait éreintante – les réveillons servent de soupapes, en terminant une année, ils ouvrent sur un autre monde, débarrassé de contraintes, de tracasseries, ils existent pour de bon sans tromper personne : ces temps-là sont déconnectés de la vraie vie. Point de vue en prise avec l’époque : la déprise, c’est tendance, même si le principe qui a cours est éloigné de la bamboche. Aujourd’hui, on invite en effet à prendre du recul en méditant à l’isolement, avec des repas très frugaux (s’il y en a) pour les pauses.
Pourtant, chez Christelle, Marielle ou bien Gérard, la déconnexion avec la réalité est incomplète. Si leurs réveillons ont été peu voire pas impactés par l’inflation, ils gardent en tête que la hausse des prix étrille d’autres foyers. Si leurs réveillons sont saufs, leur altérité aussi. Le cas de Ludivine est à part : si elle pointait les limites de ce qu’elle est en mesure de supporter, elle pourrait réaliser qu’elle les a franchies quand, pour tenir le coup, elle s’applique à l’oublier.
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr
Christelle, Aprey. « Personnellement, l’inflation n’a pas spécialement impacté les fêtes. En revanche, je suis allée faire le plein d’essence avant le réveillon du Nouvel An. Je travaille plus que plein pot, et toute l’année, alors je pense que je peux me faire plaisir pour les fêtes – justement, je viens de m’acheter un manteau – m’offrir un moment de respiration. Même si, comme tout le monde, je fais quand même attention à la dépense… et au quotidien, je n’ai jamais vécu dans l’opulence. »
Gérard, Langres. « Pour moi, l’inflation a eu zéro impact sur les fêtes. Déjà parce que j’étais invité au réveillon de Noël et serai invité à celui de la Saint-Sylvestre… Et parce que je pense qu’on n’est pas gênés aux entournures. Mais, pour les gens qui n’avaient déjà pas grand chose pour vivre du 1er janvier au 31 décembre, les prix qui ont beaucoup augmenté, ce n’est pas normal, c’est grave, c’est une catastrophe. De plus, on nous rabâche que l’horizon ne se dégage pas… »
Marielle, Baissey. « L’inflation n’a eu aucun impact sur les réveillons. Peut-être est-ce aussi parce que je privilégie les fêtes de fin d’année, moments pendant lesquels retrouver toute la famille, c’est sympa. Mais je reste persuadée qu’il y a des gens sur lesquels il y en a eu un. Parce qu’entre le prix des carburants et ceux de l’énergie, pour peu qu’on ait en plus des enfants… De plus, il règne une ambiance de peur du lendemain, de trouille de l’avenir. »
Ludivine, Langres. « Il faut faire plus attention aux cadeaux. J’en ai donc acheté de moins coûteux, en plus grand nombre. Mais cette vigilance en fin d’année n’est pas nouvelle, elle s’inscrit dans la droite ligne des mois précédents. Cette sur-attention ne m’a pas attristée. Mes priorités sont ailleurs : je ne peux pas rentrer dans notre maison de la rue Lelièvre. Le mal est aussi psychologique. Moi, je calcule… pour mon toit. D’autant qu’en attendant, je loue un deux-pièces 950 €/mois… L’avenir est une abstraction. »
Propos recueillis par Fabienne Ausserre et Nicolas Corté
