Inexcusable – L’édito de Patrice Chabanet
Il n’y a pas mort d’homme, mais c’est tout comme. En l’espace de quelques heures, l’affaire Benalla a provoqué un brasier politique dont les flammes lèchent déjà le cœur de l’Elysée. Voilà un sombre collaborateur de la présidence qui joue les flics en civil pour tabasser un manifestant à terre, lors des manifestations du 1er mai. Il avait juste oublié qu’en 2018 les téléphones portables et les réseaux sociaux ne laissent plus rien passer. Le plus grave, c’est qu’il s’est trouvé à l’Elysée un ou plusieurs responsables pour croire au Père Noël et à l’adage « pas vu, pas pris ». Sauf que, récemment, quelqu’un a reconnu l’homme casqué sur la vidéo qui circulait sur internet. La mèche était allumée. On apprenait dans la foulée qu’il avait été sanctionné, uniquement sur le plan administratif. D’un seul coup, la bavure s’est transformée en crise politique : pourquoi tant de mansuétude pour un forban ? L’édifice de la France exemplaire, clamée pendant toute la campagne, partait en fumée. Un thème désormais inutilisable pour toute la durée du quinquennat. Dès les faits connus, l’Elysée aurait viré sur le champ Alexandre Benalla et aurait saisi les tribunaux, car il y a eu délit de sa part, l’affaire n’aurait pas fait pschitt, certes, mais elle n’aurait pas dégénéré.
Emmanuel Macron est resté silencieux. En cela, il reste fidèle à sa ligne de conduite : ne pas céder à la pression médiatique. Mais ce faisant, lui et sa majorité donnent l’impression d’être à court d’arguments pour expliquer cette chaîne de cafouillages, de dissimulations coupables et de mauvaise gestion de la communication de crise. Un boulevard pour les oppositions qui n’en demandaient pas tant pour faire vaciller Jupiter sur son piédestal. Nul ne sait encore quelle sera la réaction, non pas verbale, mais dans les faits du chef de l’Etat. Elle devra être forte. Pour sa propre crédibilité. Faute de quoi, cette pitoyable affaire s’ajoutera à toutes les barbouzeries et autres coups tordus qu’a connus la Ve République. Et les Français, fatalistes, soupireront : « comme les autres ! »