“Impossibles adieux” : en Corée, un douloureux passé longtemps caché
Encore un livre de la rentrée littéraire dont on parle, écrit par une des plus grandes romancières asiatiques. Dans ce septième roman, paru aux éditions Grasset, Hang Kang dresse une fiction autour d’un pan douloureux de l’histoire de la Corée du Sud dont elle est originaire : l’assassinat de 30 000 civils par l’armée et la police en 1948 parce qu’ils étaient communistes. Un épisode devenu tabou et auquel elle redonne une voix et une lumière.
Gyeongha, écrivaine, habite à Séoul. Elle vit seule. Son mari et sa fille l’ont quittée et elle émerge à peine d’une profonde dépression : « Je ne me suis pas réconciliée avec la vie, j’ai dû vivre à nouveau » et supporte des cauchemars récurrents.
C’est à ce moment que son amie chère, Inseon, l’appelle car elle est hospitalisée à Séoul et a besoin d’elle. Elle a dû partir précipitamment après un accident domestique qui a endommagé sa main et elle lui demande de rejoindre rapidement l’île de Jeju, où elle habite, pour sauver son perroquet blanc, sans eau et sans nourriture depuis plusieurs jours. Gyeongha qui s’est déjà rendue à cet endroit accepte et part. Mais le mauvais temps ralentit les transports rendant le trajet interminable et quand elle arrive à destination, une tempête de neige assortie de violentes bourrasques s’abat sur l’île. Après bien des péripéties, elle parvient enfin dans la maison : « Une maison sans voisins ni éclairage public. Une maison qui se retrouve isolée dès les premières neiges, sans eau ni électricité. Une maison où toute la nuit un arbre s’avance en agitant ses longs bras. Une maison avec d’un côté une rivière à sec, tandis que de l’autre côté se trouve un village brûlé de suppliciés ».
Dans la maison, des vidéos, des photos témoignent de ce passé enfoui dans les mémoires que Gyeongha va revivre. Dès lors, dans le récit, rêve et réalité se fondent, passé et présent se mêlent, pendant que la neige continue à tomber et à tout ensevelir…
Un récit en noir et blanc, à la lisière du fantastique, habité d’un vrai souffle onirique et poétique. Un puissant réquisitoire contre l’oubli, « une bougie allumée dans les abysses de la nature humaine » dira son auteure.
De notre correspondante Françoise Ramillon