Charlène, comme le vent
Psychologue aux Ehpad des Trois forêts, Charlène Brenas pratique l’approche multisensorielle. Et l’humour aussi ! Elle associe le tout dans ses missions et également dans des projets qui décoiffent, comme le vent…
« Vous êtes comme le vent. Quand il y a trop de nuages, vous soufflez dessus pour que les rayons du soleil réapparaissent. » Ce jugement, Charlène Brenas l’a entendu dans la bouche d’un résident qui lui faisait sans le savoir le plus beau des compliments. Elle en a chassé, des nuages. Elle n’a pas fini.
Charlène Brenas n’est pas devenue psychologue par hasard. Mais c’est par hasard qu’elle a découvert la gériatrie. Arrivée en Haute-Marne, en 2013, au sein des Ehpad des Trois forêts (Arc-en-Barrois, Châteauvillain, Maranville), elle ne regrette rien.
Sa position plutôt transversale la voit travailler en équipe ; par nécessité peut-être. Par goût surtout. Elle se retrouve au centre de gravité d’une relation triangulaire résidents-familles-professionnels, position riche d’enjeux.
Avec le personnel des établissements, Charlène a un rôle d’information, mais aussi de soutien, s’il arrive que la fatigue, l’épuisement, génèrent des effets délétères sur le moral. Lui échoit parfois aussi un rôle de médiatrice entre le personnel et la direction.
Elle échange beaucoup avec le personnel, par exemple pour parler de bienveillance : elle se plait à rappeler qu’on ne perd jamais de temps quand on discute dix minutes avec un résident : « ce ne sont pas dix minutes de perdues ; c’est plutôt un moment de partage qui va égayer le reste de la journée ».
Échanger avec les aides-soignantes, les infirmières, est riche d’enseignements. Ce sont les aides-soignantes qui repèrent les premières les changements de comportement des résidents. Ainsi alertée en amont des pertes d’appétit, des larmes, …, elle va les rencontrer dans leur chambre.
Lorsque le conflit ukrainien a éclaté, des résidents qui ont connu la guerre durant leur enfance ont été perturbés. Charlène a alors créé un groupe de parole afin que les résidents puissent verbaliser leurs émotions et partager leur vécu.
Elle laisse volontairement la porte de son bureau ouverte en symbolique de sa disponibilité pour le personnel et particulièrement pour les proches/les familles.
Dans l’exercice de ses fonctions, Charlène est une adepte résolue de l’approche multisensorielle. Elle explique que bien des choses peuvent passer par les sens sans solliciter le verbal. On peut ainsi décharger bien des angoisses chez les personnes qui ne parviennent plus à verbaliser.
Charlène affectionne les personnes âgées. « C’est une population extrêmement reconnaissante ». On reçoit toujours un sourire ou un merci. Naturellement, les inéluctables séparations interpellent, désarçonnent les meilleurs professionnels, même armée de toute la science des psychologues : « on apprend à gérer la fin de vie, la mort. Mais on ne s’y habitue pas ».
En attendant, la vie a ses heureuses exigences : « contrairement aux idées reçues, en Ehpad, on ne s’ennuie jamais ». Au-delà du rôle, des missions de chaque professionnel, de grosses animations de cohésion sont organisées, tous les secteurs de l’établissement sont alors concernés. Ainsi, être psychologue mène à tout ; par exemple organiser un « Masterchef » entre les trois établissements sur le thème de Noël. Ou encore mettre en place « The Voice » avec des duos composés d’un résident et d’un personnel soignant, avec déguisements en prime. A chaque initiative de ce type, les résidents voient les soignants sous un tout autre jour que dans le soin. Que de tensions évacuées, que de sourires exprimés ! Aussi, quand Charlène confie : « J’aime créer et organiser des projets », n’imaginez pas qu’elle ne songe qu’à amuser la galerie : elle améliore la prise en charge ET la qualité de vie au travail. Elle bénéficie d’un contexte favorable dans ses EHPAD : le directeur valide et soutient tout ce qui peut apporter du bien-être, du bonheur, …
Quand l’actualité nationale met en évidence, ailleurs, des maltraitances, Charlène s’attache elle à parler de bienveillance. Une charte de la bienveillance a été écrite avec les équipes. Tout a été couché sur un livret, en évidence à l’entrée. Ce n’est pas de pure forme, c’est une valeur : tout le monde est formé à cette bienveillance. Elle est aussi rappelée à tous les étages, dans tous les couloirs, dans des cadres à la typographie ouvragée, cadres qui ne restent jamais longtemps au même endroit. Cela relance la curiosité et l’intérêt.
Charlène est convaincue qu’à chacun, au sein de l’établissement (allez, risquons le ici : au sein de n’importe quel lieu professionnel) est co-responsable de sa qualité de vie au travail ; avec sa joie de vivre ; sa tolérance, avec l’ambiance qu’il apporte, … Vils détails que cela ? Non, c’est fondamental.
La proximité demeure toujours empreinte de respect. Si tous les résidents appellent Charlène par son prénom, elle ne les tutoie pas et n’use jamais de leur prénom, sauf nécessité thérapeutique, et en concertation avec les familles.
Les services météorologiques ont signalé d’étranges microclimats à la verticale des Ehpad des Trois forêts : les nuages n’y stationnent jamais longtemps. Allez y comprendre quelque chose…