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Ils souffrent

La profonde détresse de certains justiciables renvoie la justice des hommes à ses propres impuissances. Les souffrances de deux prévenus ont témoigné de la difficulté à répondre à des situations des plus complexes.

 

«Nous jugeons des faits, mais nous jugeons également des hommes», aime répéter le juge Thil. Force, insouciance et jeunesse peinent à se dégager du visage blafard de Jean Collard. Répondant de faits de conduite sous l’emprise de stupéfiants, le jeune homme ne faisait pas mystère de sa situation. «Je suis malade, je suis toujours positif, j’ai ma dose dés le matin. Je consomme de l’héroïne depuis plus de deux ans et je prends des médicaments», soulignait le prévenu. Condamné à respecter des obligations de soins suite à une décision prononcée en juillet dernier, Jean Collard faisait état de cruelles réalités. «J’ai du mal à respecter mes obligations, il faut que je me rende à Chaumont et j’ai n’ai pas de permis, pas de voiture. J’habite un village à six kilomètres de mon lieu de travail, je fais du Stop tous les matins pour m’y rendre, parfois des collègues peuvent m’emmener… Avec un casier, je peux être licencié comme l’indique une close de mon contrat et ce boulot il faut absolument que je le garde», poursuivait le prévenu. Insuffisances des réseaux de transports collectifs, des structures d’aide et d’accompagnement aux toxicomanes et autres misères propres aux zones rurales transpiraient de la déchéance d’un gamin de 22 ans.

«La cure ou le cercueil»

Le procureur Prou-Gaillard requérait une peine incluant des obligations de soins tout en insistant sur l’opportunité d’une non inscription de la condamnation au bulletin numéro deux du casier judiciaire. «Je ne peux pas respecter des obligations de soins», répétait le prévenu. «Beaucoup de drogués défilent à cette barre monsieur, vous êtes en très mauvais état, c’est manifeste», répliquait le juge Thil avant de s’interroger sur l’opportunité d’une cure de désintoxication. «Avec, le travail, ça m’est impossible», indiquait Jean Collard. «Avez-vous vu dans quel état vous êtes, lançait le procureur Prou-Gaillard. A ce stade, c’est la cure ou le cercueil !» Le juge Thil mettait un terme aux débats. Jean Collard devra respecter des obligations de soins durant deux ans, tout manquement entraînant une mise en détention d’une durée de huit mois. Le jeune homme devra également accomplir un stage de sensibilisation aux dangers des stupéfiants. Tout en travaillant, le tribunal excluant toute inscription au casier judiciaire du condamné.

«La vie d’un gamin de 22 ans…»

La souffrance de Howie Corbett dépasse les affres de la dépendance. Un soir de bal, un homme de 22 ans décédait des suites de coups de couteau. Un père venait de perdre son fils. «L’assassin a pris dix ans, il est sorti après un peu plus de sept ans de prison, la vie d’un gamin de 22 ans ne vaut pas chère ! J’ai dit devant la Cour d’assises que je vengerai mon fils», soulignait le prévenu, répondant de menaces de mort proférées à l’encontre du meurtrier. «Nous comprenons votre douleur et nous pouvons comprendre votre envie de vengeance, c’est la nature humaine, mais vous ne pouvez pas vivre avec des fantômes», commentait le juge Thil. «J’avais une famille, des amis, je n’ai plus rien et je ne peux plus vivre dans ces conditions. Le meurtrier n’a même pas réglé les dommages et intérêts, j’ai reçu quarante centimes par mois pendant qu’il était en prison, je suis maçon et il va falloir que je travaille jusqu’à 65 ans. On se fiche de moi ! J’entends encore ses pas dans la maison, il est temps que je rejoigne mon fils, je veux le retrouver», poursuivait le prévenu. Le procureur Prou-Gaillard requérait une dispense de peine. «La société ne peut pas accepter la vengeance. Je vous déclare coupable», notait le juge Thil avant de prononcer une dispense de peine.

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