Ils ont fait face au coronavirus
Parmi les 1 400 convives du président de la République pour le 14 juillet, figuraient quinze Haut-Marnais, dont Lionel Quirin, médecin-chef des sapeurs pompiers, et Alexia Rusak, cadre à l’Ehpad du Chêne, à Saint-Dizier. Tous deux étaient en première ligne face à l’épidémie. Portraits croisés. Par Sylvie C. Staniszewski.
Médecin-chef des sapeurs pompiers de Haute-Marne, Lionel Quirin est mosellan d’origine. Il est arrivé en Champagne-Ardenne en suivant son épouse. Il exerce un métier lui permettant d’allier ses deux passions : l’engagement en tant que sapeur – il s’est engagé comme volontaire à l’âge de 16 ans – et la médecine. « J’ai un parcours classique avec un passage en urgences hospitalières ou encore en soins intensifs », résume-t-il. Il a postulé en tant que médecin chez les pompiers de Haute-Marne et est arrivé en tant que médecin-chef en février 2019. Dans son service, il peut compter sur une infirmière, une pharmacienne, une assistante ainsi que les volontaires rattachés à son service. « Nous avons deux missions : la santé au travail pour les sapeurs pompiers, avec la prévention dans les domaines de l’hygiène et de la sécurité, et le soutien sanitaire en intervention pour les pompiers eux-mêmes », reprend le capitaine Quirin. S’ajoute une mission partagée avec les services hospitaliers pour assurer l’aide médicale à la population. « Nous pouvons compléter les équipes avec un médecin ou une infirmière. »
Une équipe restreinte
Le capitaine Quirin confie avec vécu la crise du coronavirus « d’une façon particulière ». Il suivait la situation depuis décembre. « Elle n’avait pas l’air maîtrisée », se souvient-il. Dès l’arrivée du virus dans la région Grand Est, il a eu la tête dans le guidon. « Nos collègues Alsaciens ont fait un travail remarquable en prenant le temps de nous faire remonter les informations. Nous sommes tous passés en mode crise assez rapidement. » Des cellules de suivi pour des personnels exposés ont été mises en place, avant même l’instauration du contact tracing. « Notre objectif était d’avoir des pompiers opérationnels et de garantir la continuité du service. » Ces semaines de crise ont été rythmées par le suivi renforcé des effectifs et al prise de connaissance de la masse de données scientifiques éditées à un moment où le virus était encore méconnu. Après avoir décortiqué, trié et vulgarisé la littérature spécialisée, Lionel Quirin a notamment mis en place ce qu’il appelle “ la doc du doc”. Dans son esprit, il fallait aussi « garantir qu’à tout moment nous avions bien le matériel nécessaire. Même l’oxygène a été rationné. Il était aussi difficile d’avoir des compresses. Entre Sdis, nous nous sommes envoyé des boîtes de gants. Sur le département, l’ensemble des collègues hospitaliers et ambulanciers ont fait un super travail. Nous, pompiers, n’avons pas fait le gros du travail face au Covid. Dans le Nord, le virus était très présent. Mais il y a des casernes où on n’a pas vu un seul cas de Covid… »
Fier d’être là
Il n’a pas été question de télétravail pour le médecin-chef des pompiers de Haute-Marne. Il faisait partie de l’équipe restreinte de l’État-major présente sur site. « J’étais à mon bureau, sur le plateau commun de régulation 15-18 et j’ai fait des passages dans les centres de secours », détaille-t-il en rappelant que le Sdis 52 a été parmi les premiers à imposer le port du masque dans les centres de secours. « Nous avons parfois été regardés de travers, mais ça a suivi ! » Cette période a été riche en enseignements. « Certains ont pris conscience que pompier est un métier dangereux. On part le matin, on n’est pas sûr de rentrer le soir. Cela permet de prendre la mesure de notre engagement », conclut le médecin. Quant à l’invitation émanant du président de la République, il était honoré, mais n’a pas eu le sentiment « d’avoir fait autre chose que (son) job ». Installé dans les tribunes le 14 juillet, il a été ému au moment du passage des troupes de l’École nationale supérieure des sapeurs pompiers où il est actuellement en formation. C’était des gens de ma promo. Quand ils sont passés, je me suis senti fier d’être là. »
Alexia Rusak, responsable d’Ehpad
Responsable du Chêne, Ehpad situé à Saint-Dizier, dépendant du Centre hospitalier, Alexia Rusak revient sur cette période pas si lointaine de la crise sanitaire.
Le Chêne a malheureusement fait la une de l’actualité locale. De nombreuses personnes se sont émues du nombre de personnes touchées par le maudit virus. D’après les données de l’Agence régionale de santé, 33 résidants auraient péri après avoir été infectés par le Covid. Pour l’ensemble du personnel, les familles et les résidants eux-mêmes, cela restera une période douloureuse.
« C’est quelque chose que l’on espère ne vivre qu’une fois. Ce n’était agréable à vivre pour personne. Nous avons vécu dans l’angoisse », observe pudiquement Alexia Rusak, infirmière assurant les fonctions de cadre. Pour cette femme de terrain qui a exercé en bloc opératoire, la peur n’a pas sa place face aux maladies infectieuses. Les soignants y sont préparés. « On connaît les risques. Quand on travaille dans une unité dédiée à la tuberculose par exemple, on sait qu’on peut l’attraper. Même si à l’époque, ce qui a posé souci avec le coronavirus, c’est que l’on ne savait pas tout… »
De plein fouet
Le Chêne a été frappé de plein fouet dès début mars. Avant même que le confinement ne soit décrété. Par chance, dans cet établissement, les personnels – eux aussi nombreux à avoir été contaminés – ont toujours pu disposer d’équipements. Masques, surblouses et gants. Les tests ont en revanche fait défaut, comme partout, les premières semaines.
Durant la crise, Alexia Rusak a assuré les liens entre les résidants et les familles puisque les visites étaient impossibles. « Les premiers jours, nous avions quelques dizaines d’appels, puis des centaines, ainsi que des mails. Au départ, nous n’étions pas équipés de tablettes pour les contacts en vidé… J’ai assuré les liaisons pour les photos, les courriers », raconte la responsable d’établissement qui a eu à faire face à des personnes angoissées. « Le coronavirus est une maladie sournoise. Une personne peut aller assez bien et se trouver dans un état stable un matin et être dans un état critique le soir même. Les patients basculent très vite, surtout en Ehpad où l’on travaille avec des personnes d’un très grand âge. »
Un Ehpad sain
« Dès le début de la crise, nous avons compris que la situation était grave et qu’il ne s’agissait pas de la petite grippe annoncée », observe Alexia Rusak. Les dernières suspicions remontent à début avril. « Nous sommes un Ehpad sain ! C’est un soulagement », clame la responsable qui aspire à devenir cadre. Les procédures sont désormais bien rodées et les connaissances sur les mesures à mettre en place bien meilleure si jamais l’épidémie était de retour.
La vie a repris son cours, presque normalement dans l’établissement bragard. Les visites sont désormais possibles. Dans un premier temps, elles se sont faites sur rendez-vous, avec distanciation et équipements, pas plus de 30 minutes. L’être humain aime le contact. C’était assez dur pour les familles et les résidants de ne pas se toucher. Maintenant, c’est plus souple : les visites sont libres mais doivent se faire avec masque et gel », poursuit l’interlocutrice.
Ces souvenirs ne sont pas si lointains. Alexia Rusak a reçu l’invitation pour la cérémonie du 14 juillet avec un grand honneur. « C’était vraiment une grande surprise. Je ne m’y attendais pas. C’était une belle cérémonie, que je n’avais vue qu’à la télévision… » Cette journée a pour elle été l’occasion d’échanger avec d’autres soignants, mais aussi avec « des industriels, des employés de pompes funèbres et d’autres personnes qui ont vécu cette période de façon différente. »