Il y a 90 ans, une tragique veille de réveillon de Noël
La catastrophe ferroviaire de Lagny-Pomponne, le 23 décembre 1933, a profondément meurtri le Nord de la Haute-Marne. Le député-maire de Saint-Dizier et une vingtaine d’habitants de la cité ont perdu la vie dans la collision entre deux trains partis de la gare de l’Est.
C’est une soirée particulièrement brumeuse que celle du samedi 23 décembre 1933, veille du réveillon de Noël. Ce jour-là, un train bondé de voyageurs, le Paris-Nancy, qui a quitté non sans retard, à 19 h 25, la gare de l’Est, est arrêté sur la voie, à proximité de Lagny-Pomponne, en Seine-et-Marne.
Il est 19 h 50 lorsque le rapide Paris-Strasbourg surgit. Il circule sur la même voie ! Et vient s’écraser sur les cinq dernières voitures du Paris-Nancy, qui sont en bois. Choc épouvantable. Bilan effroyable.
Dès le 25 décembre 1933, le quotidien Le Petit Haut-Marnais fait sa Une sur la tragédie. Le lendemain, Le Petit Champenois annonce « plus de 200 morts, près de 300 blessés ». La Haute-Marne, et particulièrement Saint-Dizier, est meurtrie. Car petit à petit, parviennent les noms des victimes de la tragédie : plus d’une vingtaine de morts sont des Bragards qui travaillaient ou étudiaient à Paris et venaient passer Noël en famille. Des patronymes sont connus : Marcel Rémy-Mallet, Hubert Hachette, Ernest Jacob et sa fille Lucie, la fille de l’industriel Jacques Marcellot et son fils Xavier Husson, Yvonne la nièce de Pierre Chatel, Henri Carchon et son épouse, trois membres de la famille Louis, trois membres de la famille Adam, etc.
« Qu’il fait froid ici »
Un nom, surtout, retient l’attention : celui d’Henri Rollin, le député-maire de Saint-Dizier. Né en 1880 dans les Pyrénées-Orientales mais d’origine langroise, l’élu bragard, parlementaire depuis 1932, avait été grièvement blessé dans l’accident. Deux compatriotes, Georges Ulmo et le Dr Martin, se sont rendus à son chevet, à l’hôpital Saint-Louis. « Qu’il fait froid ici, que se passe-t-il ? » auront été parmi les derniers mots de l’homme politique qui, malgré une opération, devait succomber à ses blessures le 24 décembre.
Son corps est ramené – par le train – à Saint-Dizier où ses obsèques, comme celles de plusieurs victimes, sont célébrées le 28 décembre 1933 devant une foule importante et affligée, en présence de son premier adjoint, Charles Lucot.
Avec 214 victimes, la catastrophe de Lagny-Pomponne reste à ce jour, hors période de guerre, la plus meurtrière parmi les accidents ferroviaires en France.
L. F.
Un prêtre bragard au secours des blessés
Aumônier de la permanence de la Jeunesse ouvrière chrétienne pour la région parisienne, le père Adrien Navet, 33 ans, était originaire de Saint-Dizier. Il se trouvait dans le train. « C’est grâce au fait qu’il monta dans un wagon allant sur Nancy au lieu d’emprunter la voiture qui devait le conduire à Saint-Dizier […] que le père Navet est encore vivant », rapporte Le Petit Champenois, qui publie le témoignage du prêtre : « Ma tête heurta violemment la cloison du wagon et les valises tombèrent des filets, blessant même grièvement une jeune femme… L’électricité s’éteignit et notre wagon fut comme légèrement soulevé et porté en avant : la machine du train tamponneur, en déraillant, nous avait poussé. Il y eut pendant quelques secondes un silence de mort, comme dans un désert. Puis les plaintes montèrent… » Le père Navet se porta alors au secours des victimes ; « J’ai retiré plusieurs blessés des débris et peu après, on me réclamait partout (…) Je me souviendrai toujours d’un blessé qui me dit : « Je suis atteint. Mais ce n’est rien. Regardez, ma femme est là avec mon enfant sous les débris ».