Il y a 80 ans, l’attaque du premier maquis de Trois-Fontaines
La police de sécurité et la gendarmerie allemandes de Châlons-en-Champagne et de Vitry-le-François ont opéré, le 4 décembre 1943, contre le premier maquis de Trois-Fontaines-l’Abbaye. Précisions sur un événement méconnu de l’histoire de l’Occupation au nord de Saint-Dizier.
En octobre et novembre 1943, deux groupes de Francs-tireurs et partisans français (FTPF) de la Marne se sont implantés dans le massif forestier de Trois-Fontaines-l’Abbaye, aux confins de la Marne et de la Meuse, au nord de Saint-Dizier. Ils étaient commandés par Robert Baudry et recevaient leurs ordres du responsable FTP pour la Marne et l’Aube, Marcel Méjecaze, alias Vincent.
A la suite de différents cambriolages de commerces commis dans la région, notamment pour se procurer du tabac, les deux groupes se sont réunis dans un même camp, dans les bois près de Villers-le-Sec (Marne). Leurs hommes – des Français, des Marocains, un Hollandais, soit moins d’une dizaine – venaient de détruire des pylônes électriques au lieu-dit Les Frouchies, aux lisières de Saint-Dizier, lorsque le 4 décembre 1943, ils ont été la cible d’une opération menée par la police de sécurité allemande (Sipo-SD) de Châlons-en-Champagne.
Un Marocain touché
Longtemps, les précisions ont fait défaut sur les circonstances de cette attaque qui, selon le témoignage d’un résistant de Sermaize-les-Bains, Armand Risse, aurait causé la mort ou la blessure d’au moins un maquisard et, selon Robert Baudry, se serait soldée par trois décès dans les rangs du groupe. Aujourd’hui, grâce à des documents conservés par les Archives départementales de la Marne et de la Meurthe-et-Moselle, nous savons que cette opération a été conduite en début d’après-midi du 4 décembre 1943 par la Sipo-SD, avec la coopération de cinq soldats de la Feldgendarmerie-Truppe 706 de Vitry-le-François.
Lorsque l’attaque a été lancée, la majorité des maquisards travaillaient à la construction d’une nouvelle cabane dans la forêt. Ils s’en revenaient vers leur camp originel lorsqu’ils ont été accueillis par des coups de feu. Armand Risse, qui n’était pas présent, a appris ultérieurement qu’un des Marocains, Mohamed, a été touché. L’adjudant-chef Albert Cord et le caporal Rudolf Abrolat, de la gendarmerie allemande, confirment qu’un des maquisards a été blessé.
Fusillés à Châlons
Selon un rapport de la Feldgendarmerie, qui évoque la prise de sept mitraillettes anglaises, sept bicyclettes et une moto, trois maquisards ont été capturés mais l’un d’entre eux a été abattu en cherchant à fuir. Il s’agit vraisemblablement du Marocain Mohamed ben M’Hamed, 25 ans, décédé le 10 décembre 1943 à Saint-Memmie des suites de blessures. Que sont devenus ses camarades, Ali, autre prisonnier marocain évadé, et Guillaume, qui serait un ressortissant hollandais évadé du camp de Compiègne ? Si un rapport de la police française croit savoir qu’ils ont également été tués, leur décès n’a pu être confirmé.
Quant à leurs camarades, ils ont pu fuir et se réfugier chez Armand Risse à Sermaize. C’est là que, le 12 décembre 1943, Robert Baudry, Camille Soudant, Jean Goutmann, Georges Laîné et Schaieb ben Dahan (Saïd), ce dernier évadé du camp de Romilly-sur-Seine (Aube) le 3 septembre 1943, ont été appréhendés par la police française. Quatre d’entre eux furent exécutés par les Allemands à Châlons, le 19 février 1944.
Lionel Fontaine