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Il y a 80 ans, des Haut-Marnais sabotaient des locomotives à Troyes

Le dernier survivant français du N°4 Commando, Léon Gautier, est décédé ce lundi 3 juillet 2023 à l’âge de 100 ans. C’est l’occasion de rappeler le souvenir d’un de ses camarades, Jacques Sénée, enterré à Champcourt (Haute-Marne), qui a participé à un important sabotage de locomotives il y a précisément 80 ans, dans la nuit du 3 au 4 juillet 1943.

Né à Antony en région parisienne en 1919, employé au ravitaillement à Troyes, Jacques Sénée était lié à la Haute-Marne par son mariage. Son épouse, Ginette Buat, était en effet originaire, par sa famille, de Champcourt, près de Colombey-les-Deux-Eglises.

Militaire de carrière, Jacques Sénée avait rejoint les rangs de la Résistance dans l’Aube. Dans la nuit du 3 au 4 juillet 1943, il a fait partie de l’équipe de six hommes (lire l’encadré) qui, déguisés en cheminots, ont plastiqué des locomotives au dépôt de Troyes-Preize. L’opération avait été ordonnée par un Chaumontais, cadre de la SNCF, membre du mouvement Libé-Nord et futur Compagnon de la Libération : Gabriel Thierry.

« Chargés comme des baudets »

Jacques Sénée faisait équipe avec un officier britannique, Benjamin Cowburn, alias Germain. Le jeune militaire raconte, dans un témoignage confié par sa famille au club Mémoires 52 : « Germain et moi, chargés comme des baudets sous le poids de nos charges explosives, nous avions retrouvé nos camarades cachés sous un pont à proximité du dépôt. Juste avant le pont, nous avions eu une alerte : deux « Fritz », le fusil sur l’épaule, baillaient aux corneilles au milieu de la rue. D’un même geste nous avions saisi un pistolet dans nos poches, bien décidés à nous en servir. En fait les deux « Boches » regardaient les étoiles.

« Ridiculement aisé »

A 1 heure, nous quittions notre abri comme des sioux. Quelques minutes plus tard nous étions sous la rotonde. Nous devions travailler par équipe de deux. Germain choisissait les locomotives et les indiquait à nos camarades. Lorsqu’il en eut terminé avec eux, nous nous occupâmes à placer nos propres charges […] Je me souviens que nous avons placé une charge sur l’avant droit d’une locomotive pendant que de l’autre côté deux agents « boches » des chemins de fer discutaient paisiblement. Mais qui se serait méfié des braves cheminots couverts de cambouis que nous représentions […] Après avoir posé la dernière charge nous partons tranquillement sans user des précautions prises à l‘arrivée. Vraiment ce sabotage avait été ridiculement aisé… « 

« Bon travail »

Après une « fuite éperdue », Jacques Sénée et son compagnon arrivent à Sainte-Savine. Là, « nous avions entendu la première explosion… Neuf, dix, onze. Nous étions depuis longtemps arrivés chez Germain que les explosions se succédaient toujours […] J’ai su depuis que, sur 20 locomotives attaquées, treize avaient été stoppées pour longtemps et deux endommagées légèrement. Ce n’était pas l’idéal mais tout de même du bon travail. A l’aube je prenais le train pour Paris. Dix jours plus tard un Lysander me déposait en Angleterre ».

Aller-retour à Champcourt

Avant d’être caché dans un café à Tours puis de s’envoler vers l’Angleterre, Jacques Sénée a eu le temps de faire un aller-retour jusqu’à Champcourt, soit pour y mettre à l’abri son épouse (qui travaillera dans le bureau de tabac familial), soit pour lui faire ses adieux. Nous le savons parce que dans son édition du 12 juillet 1943, le journal Le Petit Haut-Marnais a évoqué la chute à moto, quatre jours plus tôt, d’un habitant de Troyes nommé Lénée (sic) qui se rendait à Champcourt. Ce ne peut être que le jeune résistant qui, arrivé en Angleterre, devait s’engager dans les commandos de la France libre et débarquer en Normandie le 6 juin 1944, avec Léon Gautier.

Jacques Sénée est tombé en Indochine comme lieutenant de parachutistes. Il repose dans le cimetière de Champcourt.

L’époux d’une Nogentaise parmi les saboteurs

Outre Jacques Sénée et Cowburn, l’équipe de saboteurs se composait de Bernard Chastre (tué en 1944), Paul Clérey (mort en déportation), Ernest Woerth et Charles Couche.

Originaire de Côte-d’Or, Charles Couche (1909-2001) était communiste et cheminot à Dijon. Après l’arrestation de ses quatre frères, tous déportés, il se réfugia dans l’Aube, puis dans l’Ouest comme commandant des Francs-tireurs et partisans français. Charles Couche s’était marié avec une jeune fille de Nogent, Claire Grandjean, elle-même internée sous l’Occupation. Il devait passer sa retraite dans la cité coutelière et décéder à Chaumont.

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