Il a préféré mourir plutôt que de parler
La première victime de l’année 1944 en Haute-Marne était un jeune militant communiste du Doubs. Le corps de Louis Frossard, responsable des Francs-tireurs et partisans français, a été retrouvé pendu dans sa cellule du Val-Barizien, le 14 janvier 1944.
Les Frossard sont une famille communiste de Mandeure, près de Montbéliard, dans le Doubs. Les deux enfants d’un ouvrier de la société Japy, libre penseur, militaient au Parti : la fille, Odette, née en 1918, qui travailla avant-guerre aux cycles Peugeot, et le fils, Louis, né en 1919, également ouvrier.
Dans le collimateur des autorités préfectorales en raison de leur engagement politique et syndical, Odette et Louis Frossard font l’objet, en septembre 1942, d’une mesure d’internement administratif. Arrêtés par la police française, tous deux se retrouvent le 29 septembre à la maison centrale d’Ecrouves, près de Toul, en Meurthe-et-Moselle. Louis Frossard est loin d’être un détenu discipliné : à Pâques 1943, il se voit infliger quatre jours de prison pour avoir eu « un sourire moqueur ». « Cela n’a pas été trop pénible et n’a aucunement attaqué le moral », écrit à sa mère le jeune homme.
L’évasion d’une fratrie
Le 28 juillet 1943, Louis Frossard se fait admettre à l’hôpital Saint-Charles de Toul pour y subir une intervention chirurgicale. Il se fait opérer d’un goitre. L’administration se méfie de la fratrie : elle refuse à Odette le droit d’aller rendre visite à son frère cadet. Dans la nuit du 23 au 24 septembre 1943, coup de théâtre : les Frossard s’évadent, lui de l’hôpital, elle du centre de séjour surveillé. Le plus incroyable, c’est que tous deux ignoraient leurs évasions respectives.
Tandis qu’Odette Frossard rejoint la Haute-Saône puis le Sud-Ouest, Louis Frossard gagne Chaumont où s’est installé son camarade Martial Bel, d’Audincourt, déjà investi dans la Résistance. Mi-octobre 1943, Jules Didier, chef de la Résistance communiste en Haute-Marne, lui donne le commandement des groupes de Francs-tireurs et partisans français (FTPF) du département, sous le nom de Marc.
« Très courageux »
Sous la houlette de Marc, qui trouve un logement dans la rue Croix-Percée, les FTPF s’en prennent, en novembre et décembre 1943, au bureau économique allemand de Nogent, volent du matériel explosif à la carrière Bousteau de Chaumont puis, surtout, détruisent la grue de 55 tonnes du dépôt SNCF chaumontais.
Louis Frossard est arrêté par la police de sécurité allemande le 13 janvier 1944 près de la préfecture, en compagnie de son ami Martial Bel et d’un autre responsable FTPF, Gabriel Szymkowiak. Marc est conduit jusqu’au 22 bis, boulevard Gambetta, siège de la police allemande, pour y être « interrogé ». « Jusqu’au dernier moment, écrit Jules Didier, Marc est resté très courageux, les Boches n’ont rien obtenu de lui, il est mort en grand patriote. » Son corps est en effet retrouvé pendu dans sa cellule du Val-Barizien. Il « a été enterré dans un endroit ignoré de tout le monde et toutes les recherches ont été vaines », écrivait Jules Didier en 1947. C’est toujours le cas aujourd’hui.
Lionel Fontaine
Sources : documents communiqués par Jean-Louis Romain, neveu de Louis Frossard ; archives de la centrale d’Ecrouves, Archives départementales de Meurthe-et-Moselle.