Ici bat la vie, à Auberive
La rétrospective consacrée à Philippe Aïni ne pouvait suffire ! En marge de cette exposition remarquable et remarquée, à Auberive, Jean-Claude et Alexia Volot présentent plusieurs pièces majeures d’un fonds d’art singulier rassemblant des artistes de notoriété internationale.
« Je me demandais où passaient mes rêves et mes fantasmes, une nuit, j’ai ouvert mon matelas avec un couteau, ma femme dormait à-côté, elle a été un peu effrayée, j’ai extrait du matelas cette bourre, cette éponge à rêves.(…) J’ai ajouté de la colle de peau, la colle a apporté de la chaleur à la matière, le rendu m’a fait penser à de la chair humaine ». Peintre, sculpteur, pâtissier de formation, autodidacte, singulier, Philippe Aïni a posé rêves et fantasmes en l’abbaye d’Auberive. La rétrospective consacrée à cet artiste (article en ligne sur jhm.fr en rubrique Culture/Loisirs) a d’ores et déjà séduit des milliers de visiteurs, des touristes et gens d’ici invités à prolonger leur voyage à la découverte d’une seconde exposition présentée au premier étage d’un des principaux centres d’art du Grand Est.
Une forêt, des visages, des figures
Dédié à l’art dit brut ou singulier, contemporain, le fonds de l’abbaye d’Auberive recèle mille et une richesses, des trésors mis à l’honneur, en 2016, à Paris, à l’occasion d’une exposition exceptionnelle présentée à la Halle Saint-Pierre. L’été 2023 venu, ce fonds se dévoile, sans pudeur, avec parcimonie, délicatesse et élégance, au fil de salles et couloirs. Allez, pour commencer, une broderie signée Eva Jospin. Actuellement à l’honneur à l’occasion d’une exposition monographique présentée, à Avignon, dans la chapelle du Palais des Papes, la fille de Lionel Jospin et Élisabeth Dannenmuller a succombé à l’appel de la forêt. Un clin d’œil au Parc national ? Allez savoir…
Enfer et paradis
L’enfer est pavé de bonnes intentions, alors, “Enfer et contre tous”, Christine Guinamard impose une huile sur toile, sombre, lumineuse, de 194×476 cm. Son enfer, son paradis, Pierre Bettencourt l’imagine peuplé de femmes, nues, de monstres et de chimères. Le globe-trotter a croisé la route de Jean Dubuffet, le Camerounais Barthélémy Togué a manifestement épousé la magie Fernand Léger. Un grand plongeur bleu rejoint “Les grands plongeurs noirs”. De Marc Petit à Jacques Doucet en passant par Paul Rebeyrolle, on en viendrait presque à fendre les eaux, on finit par jeter l’ancre à la découverte des encres sur papier de Nick Blinko, charismatique leader du groupe anarcho-punk britannique “Rudimentary Peni”. Monsieur dessine. Comme un dieu oserait-on dire. Tout vient pourtant de la main d’un homme, de celle de Nick Blinko, de celle de Roger Decaux, aussi, l’artiste lève le drap sur les fantômes de l’être, la fluidité du trait offre leur toute-puissance à des corps évaporés.
Combas, pour finir
Carré Line a rejoint le monde des morts. Malade, la jeune femme a imposé son style de 1992 à 2000, « la vie, c’est pas du gâteau », mais il se dégage tant de vie de “La danse”, huile sur toile présentée en 1999. Quinze ans plus tôt, une déferlante balayait les rues de New-York. Dominicain de Harlem, JonOne, pionnier du graffiti, finit par rejoindre la France, sa capitale, ses murs, son métro, “Paris sous les bombes”.
Vous en voulez encore ? Cerise sur la pièce montée… Les enfants du siècle dernier ont été émerveillés, à Chaumont, en 1996, par la magie de Robert Combas, les enfants du nouveau siècle se voient à leur tout offrir cette chance, en 2023, à Auberive où sont présentés cinq grands formats du maître de la Figuration libre.
T. Bo.