L’humeur de Frédéric Thévenin. L’étonnant Mr Besnier
Une passionnante conférence a eu lieu autour de l’agriculture et de la consommation, dans l’Aube, en présence du ministre de l’Agriculture, du président de Super U, de la présidente de la FNSEA et de l’étonnant Mr Besnier, le grand patron de Lactalis. JHM Quotidien y reviendra vendredi prochain.
Emmanuel Besnier est à la tête du premier groupe laitier au monde avec ses 266 sites de production dans 51 pays, ses 85 000 collaborateurs dont 15 000 en France et ses 22 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Du haut de cet empire, il est donc venu parler alimentation dans sa position de transformateur. Dans ce domaine, son crédo est la compétitivité pour se positionner sur le marché mondial. Pas de salut, pour cette entreprise (et pour la filière), si elle n’est pas compétitive sachant qu’elle exporte un litre de lait sur deux.
Tout cela s’entend mais tout se complique lorsqu’il aborde les moyens pour justement rester compétitif. Il s’adresse aux éleveurs et leur suggère de… s’agrandir pour diminuer leurs coûts de production. La bonne blague. Ils n’y avaient pas pensé pour, au bout du compte, ne rien gagner de plus et s’épuiser à la tâche. D’ailleurs, Emmanuel Besnier sous-entend que les éleveurs ne doivent pas s’attendre à une hausse du prix du lait payé en ferme puisqu’il faut rester com-pé-ti-tif… Il l’a répété 20 fois.
Le problème est que cette idée se heurte à la réalité du terrain, à la réalité des fermes. Emmanuel Besnier escamote quatre données essentielles : l’impossibilité de trouver des terres pour s’agrandir et qui sont souvent reprises pour produire des céréales ; la difficulté, en s’agrandissant, de trouver des salariés ; l’état d’épuisement des éleveurs qui ne peuvent pas travailler davantage et la société française qui ne veut pas entendre parler de fermes gigantesques. A noter, d’ailleurs, que les agriculteurs haut-marnais n’ont pas attendu le conseil du patron Lactalis puisqu’ils ont, en moyenne, les plus grandes exploitations de France pour un résultat médiocre.
Amusant, durant les échanges, de constater que le plus fervent défenseur des éleveurs et donc opposant à Emmanuel Besnier a été Julien Denormandie, le ministre lui-même, qui conditionne le maintien des éleveurs laitiers à l’amélioration de leur rémunération. Cette situation laisse présager des moments difficiles dans l’application de la loi Egalim 2 et après la sortie des négociations commerciales.
En filigrane, il a été conseillé à Lactalis d’aller chercher sa compétitivité ailleurs que dans les poches des éleveurs et de mieux valoriser commercialement la qualité du lait français. Peut-être, peut-il aussi aller, dans les fermes, pour parler aux éleveurs. Il en profitera pour répondre à une question à laquelle il n’a pas répondu : « qu’est-ce que vous ferez lorsque tous les éleveurs auront disparu ? »
Frédéric Thévenin
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