Humeur de Frédéric Thévenin – Goliath a un genou à terre

Humeur. Ce 30 août, la terre a tremblé sous les pas lourds de la laiterie Savencia. Dans l’affaire qui l’oppose à l’association d’organisation de producteurs Sunlait, l’usine de transformation anciennement appelé Bongrain et présente à Illoud a été condamnée à verser 26 millions d’euros aux éleveurs qui lui fournissent du lait. Somme due après le non-respect des accords sur le prix du lait au titre de l’année 2020 à laquelle il faudra ajouter 8 à 10 millions d’euros pour l’année 2021.

Le tribunal de grande instance de Coutances (Manche) a frappé très fort sur la tête de Goliath qui met ainsi un genou à terre devant David ; les petits producteurs qui, jusqu’à maintenant, n’avaient jamais eu l’outrecuidance de s’attaquer à ce mastodonte de l’agroalimentaire.

Il faut dire qu’il en fallait du courage pour attaquer malgré les pressions et les menaces. Tout a été fait dans l’ordre : le médiateur, les juristes de la FNSEA, le tribunal… Tout a été fait et bien fait pour aboutir à ce jugement qui fera date puisque tous les torts sont attribués à la laiterie. Il va même faire jurisprudence.

D’autres associations de producteurs vont s’engouffrer dans la brèche et ceux qui livrent à Lactalis ont déjà la fronde en main pour faire bouger les choses. Lactalis n’a pas plus respecté les accords d’origine que Savencia.

Plus fort encore : ce jugement pourrait avoir un ruissellement positif sur l’ensemble de l’élevage laitier. Les laiteries s’observaient toujours pour ne pas augmenter le prix du lait payé aux producteurs dans la logique du « ce n’est pas moi, c’est l’autre ». Elles vont désormais regarder à deux fois avant d’agir. La grande distribution doit trembler aussi.

Alors, évidemment, Savencia a un mois pour faire appel. Elle le fera assurément repoussant aux calendes grecs le jugement définitif. Savencia va aussi faire planer des licenciements dans ses laiteries et principalement celles du sud-ouest de la France. Mais, cette victoire est celle des éleveurs. Or, jamais, ils n’en ont connu de telle.

Frédéric Thévenin