Huis-clos lugubre – l’édito de Patrice Chabanet
Pour célébrer la fête de la Victoire on a fait mieux. Le spectacle des Champs-Elysées déserts avait quelque chose de lugubre et de déprimant à la fois. On connaît la raison de cette désertification de la plus belle avenue du monde : éviter les perturbations qu’auraient pu provoquer des groupes contestataires. Opération réussie, mais à quel prix ! Couper le lien entre l’Histoire et le peuple, c’est couper les jambes de la démocratie. Comment peut-on espérer intéresser les jeunes à notre passé ? Comment peut-on faire nation au moment où la France se désagrège en clans toujours prêts à en découdre ?
Comme toujours, les responsabilités sont partagées, à moins de sombrer dans une défense infantile sur le mode « c’est lui qui a commencé ». L’exécutif fonctionne en privilégiant la sur-réaction. Faire pleuvoir les interdictions de manifestations, au moindre déplacement officiel, revient à donner aux contestataires une importance qu’ils n’ont pas : quelques centaines, quelques milliers de personnes comparées aux 67 millions d’habitants. La démocratie n’a rien à voir avec l’unanimisme. On devrait en avoir un bel exemple, aujourd’hui, avec le défilé sur la Place rouge à Moscou.
A l’inverse, le droit de manifester ne doit pas être confondu avec le droit de faire n’importe quoi. Mêler le souvenir de Jean Moulin avec le dossier des retraites a quelque chose de déplacé et d’étrange. Etablir un antagonisme entre le programme de la Résistance et les dispositions du projet gouvernemental n’est pas très habile. Il ouvre la porte à des comparaisons peu glorieuses, comme celle du pacte germano-soviétique d’août 1939 défendu bec et ongles par l’extrême gauche française. A chacun ses casseroles.