Hugues Aufray : « Dieu n’existe pas… quand on n’a pas besoin de lui »
Légende vivante de la chanson française, Hugues Aufray, actuellement en tournée, en particulier dans les édifices religieux, sera, vendredi 12 mai, à 20 h 30, en la cathédrale Saint-Mammès de Langres. Musique, éducation (un sujet qui lui tient à cœur), religion, politique… Le chanteur n’a pas sa langue dans sa poche et se confie à jhm quotidien.
Jhm quotidien : « Vous dites sur votre affiche que, cette fois, à 94 ans, c’est votre dernière tournée. Adieu M. le chanteur, vraiment ? »
Hugues Aufray : « (Rires). Ah, non, c’est un malentendu. C’est mon producteur qui est à l’initiative de cette affiche, mais pour moi, je ne fais pas ma tournée d’adieux. Ce que nous avons voulu dire, c’est qu’il y a 91 000 églises en France et que, même si je continuais, je n’aurais jamais le temps de toutes les faire. En fait, c’est simplement la dernière fois que je me produirai dans “votre” église, ici à la cathédrale de Langres. »
Jhm quotidien : « Vous avez effectivement fait le choix, pour cette tournée, de privilégier autant que possible les édifices religieux. Est-ce un choix artistique et acoustique, ou cela correspond-il aussi à une démarche spirituelle, vous qui vous êtes toujours revendiqué du catholicisme social ? »
Hugues Aufray : « Il y a des deux. Oui, il y a aussi un message spirituel. Je suis non-pratiquant mais chrétien et baptisé. Aujourd’hui, le monde change, la France change, les mœurs, les habitudes. Le christianisme est en difficulté, les chrétiens d’Orient sont massacrés… Je suis un humaniste, les persécutions qui font autant de victimes me choquent. Il y a ce message et il y a aussi le soutien que je veux apporter au patrimoine. C’est le mot à employer. Aujourd’hui, notamment à gauche, on aime bien remplacer le mot “patrimoine” par celui de “culture”. Mais en réalité, c’est à la fois culturel et patrimonial. Je tiens à dire que la culture est quelque chose de délicat à définir. Les références sont hélas passéistes, avec cette “culture à la française”. »
« Il y aura une heure de grands standards et une heure de découvertes »
Jhm quotidien : « Quelle sera la programmation de votre concert à Langres ? »
Hugues Aufray : « Il y aura une heure de grands standards, et une heure de découvertes. Quand je parle de découvertes, ce ne sont pas forcément que les chansons les plus récentes (Ndlr : son dernier album, baptisé “Autoportrait” est sorti en 2020), mais cela peut aussi être des redécouvertes, avec des titres anciens qui n’ont pas toujours eu une grande notoriété mais que j’aime beaucoup. Il y a aura aussi quelques surprises. Je terminerai mon spectacle par une reprise de Georges Brassens, un de mes maîtres à penser. Oui, dans une église (Rires…).
Je ne suis pas un provocateur ! D’ailleurs, Brassens était davantage agnostique que véritablement athée. Je vais vous raconter une anecdote : sa mère était très pratiquante, et n’a jamais voulu assister à ses concerts car elle n’appréciait pas vraiment les textes de son fils. Le jour où elle est morte, il avait un concert le soir, qu’il a maintenu. À un moment donné, il s’est tourné vers ses musiciens et leur a dit : “Pour la première fois, Maman est dans la salle…”. Vous savez, je crois que Dieu n’existe pas quand on n’a pas besoin de lui. »
Jhm quotidien : « Lors de vos tournées, vous aimez discuter avec votre public entre les interprétations, commentant notamment l’actualité. Que pensez-vous du climat actuel ? »
Hugues Aufray : « J’ai envie de dire que je ne suis pas de droite, et encore moins de gauche (rires). La gauche est en pleine dérive. Il n’y a plus de nuances : aujourd’hui, quand vous n’êtes pas marxiste, vous êtes fasciste ! Mais l’une de mes principales préoccupations, c’est l’enseignement, l’instruction publique. Ce qui n’est pas la même chose que l’éducation, un terme qui n’aurait jamais dû être utilisé. Je suis en guerre depuis 50 ans contre les ministres de “l’Education nationale” pour que l’école ait véritablement les moyens de ses missions. Aujourd’hui, on est au-delà de ça. Il faut bien reconnaître que “Adieu M. le professeur” peut avoir un sens différent depuis Samuel Paty… »
Jhm quotidien : « Votre tournée est prévue jusqu’à début 2024 ? Avez-vous d’autres projets ? »
Hugues Aufray : « Oui, je ne manque pas de travail. Au mois de juin, il va y avoir un nouveau disque de chansons françaises que j’aime bien, avec par exemple des reprises de Joe Dassin. Au mois de septembre, ce sera un livre, avec la publication de l’intégralité de mes textes. C’est quelque chose qui se fait de plus en plus, pour les chanteurs. Enfin, mon éditeur vient de sortir mon Intégrale : 437 chansons en disque ! ».
Propos recueillis par Nicolas Corté