Horreur, gêne et relaxe
Les nombreux dossiers d’agression sexuelle présentés devant le tribunal correctionnel ont souvent pour théâtre le cadre familial ou amical. Horreur et gêne se sont invités, mardi après-midi, en salle d’audience au cours de débats éprouvants.
Sombres reflets de la misère économique, sociale, sexuelle, affective et culturelle frappant de nombreux Haut-Marnais, les audiences du tribunal correctionnel plongent chaque semaine magistrats et citoyens assesseurs dans les affres d’univers interlopes.
Les faits dénoncés en janvier 2011 par une Bragarde en situation d’extrême vulnérabilité dépassent les effrayantes et abrutissantes fictions hantant les grilles de programmation des chaînes télévisées. Souffrant d’un cancer, la plaignante regagne son domicile au terme d’une sixième séance de chimiothérapie. Diminuée par une ablation d’une partie de l’intestin, la mère de famille entend passer les fêtes de fin d’année aux côtés d’un de ses amis. Ne résidant pas sous le même toit, victime et prévenu entretiennent une relation tumultueuse depuis plusieurs années. Père de trois enfants, Henry Chinaski embrasse depuis plusieurs années une profonde décadence. A une enfance marquée par la brutalité de son ivrogne de père s’ajoutent chômage et alcool.
Le 2 janvier au soir, le prévenu rejoint son amie dans sa chambre. Plongée dans un profond sommeil après avoir absorbé antidépresseurs et somnifères, la victime perçoit au petit matin des douleurs vaginales et anales. Encouragée par sa fille, l’ancienne agent hospitalier questionne Henry Chinaski quant à la survenance d’un éventuel rapport sexuel. L’homme avoue s’être prêté à de basses œuvres. Auditionné suite au dépôt de plainte de la victime, Henry Chinaski niera toute intention malveillante. «Elle dormait quand je suis venu me coucher, mais elle a bougé pour se mettre en position. Elle n’était pas très active, mais consentante. Nous avions eu un rapport la veille et tout c’était bien passé», affirmera le quinquagénaire.
«Cette femme a osé briser un tabou»
Excluant toute tendance à l’affabulation, un expert psychologue invité à prendre connaissance du témoignage de la victime mettra en évidence dégradation de l’image de soi et autres troubles communs aux victimes d’agressions sexuelles. Représentant la plaignante, Maître De Chanlaire brisait un tabou au cours d’une poignante plaidoirie. «75 000 femmes sont violées chaque année, le plus souvent par des personnes qu’elles connaissent, mais seulement 10 % de ces viols font l’objet de poursuites, soulignait l’avocat. Violer son épouse ou sa concubine est considéré comme une circonstance aggravante depuis 2006. Ma cliente faisait l’objet de traitements très lourds, elle n’avait plus de cheveux et elle prenait chaque soir un cocktail médicamenteux afin de trouver le sommeil. “Elle a bougé un peu”, voilà la seule réponse de monsieur Chinaski ! Ma cliente n’a jamais eu de rapport sexuelle avec cet homme la veille de ce viol, cette femme a osé briser un tabou, elle se sent dégradée et humiliée et nous devons entendre cette souffrance !» Excluant tout consentement de la victime, le procureur Amouret requérait une peine de trois ans de prison ferme.
Hommes détestables et innocents méritent une juste défense. Ce principe fondamental chevillé au corps, Me Charlot battait en brèche toute intention malsaine. «Je crois en l’innocence de mon client, martelait l’avocat. Avait-il légitimement conscience que la victime ne souhaitait pas avoir un rapport sexuel ? Ma réponse est non. Des préliminaires ont eu lieu, la victime s’est mise en position et ses organes génitaux étaient humides. En l’absence d’éléments caractérisant le défaut de consentement de la victime, je sollicite la relaxe !» Après en avoir longuement délibéré, magistrats et citoyens assesseurs ont prononcé la relaxe de Henry Chinaski.