Hommage à Samuel Paty : à Langres, une minute de silence qui fait du “bruit”
Un an après le drame, c’est avec émotion que les élèves, les professeurs mais aussi les personnels du collège des Franchises ont rendu hommage vendredi 15 octobre 2021 à Samuel Paty. Un moment empreint d’une certaine solennité, notamment lors de la minute de silence à laquelle ont pris part plusieurs centaines de personnes.
Un temps de recueillement où le silence parfaitement respecté par toutes les personnes présentes a donné l’impression d’un fracas dans les têtes. C’est ainsi que l’on peut interpréter la minute de silence en hommage à Samuel Paty, professeur assassiné le 16 octobre 2020 aux abords de son collège, victime du terrorisme.
Réunis vendredi 15 octobre dans la cour du collège des Franchises, élèves, professeurs, agents administratifs mais aussi élus ont écouté le principal, Michel-Jean Labrousse, lire une courte allocution. Expliquant vouloir faire court car, « les grandes émotions, encore plus quand elles sont partagées, ne nécessitent pas qu’on l’on se perde en bavardages inutiles », le chef d’établissement a rappelé le contexte du drame qui s’est joué le 16 octobre 2020.
Un discours clair, puis le silence
À travers quelques phrases prononcées avec émotion, telle que « assassiné parce qu’il faisait son métier de professeur. Assassiné parce qu’il respectait ses élèves et croyait en leur esprit critique. Assassiné parce qu’il défendait l’idée d’une France lumineuse… et non pas une sombre idée de la France. Assassiné parce qu’il prônait l’unité plutôt que la division, l’acceptation de l’autre plutôt que son rejet. Assassiné parce qu’il avait fait sienne notre belle devise Liberté, Egalité, Fraternité », le souvenir a ressurgi de toutes les mémoires.
Expliquant que ce décès avait « ému bien au-delà des frontières de l’Education Nationale, puisque les français sont attachés à leur école. Une école qui unit, fait grandir et cimente ». Il a aussi rappelé qu’une « minute de silence, ce n’est pas juste se taire. C’est aussi penser, réfléchir, se souvenir. C’est partager nos émotions… en silence, puisque parfois les mots ne suffisent pas » .
Pour le chef d’établissement, une simple minute de réflexion ne changera pas la face du monde, « mais 500 minutes, puisque nous sommes 500 personnes, auxquelles se rajouteront des millions d’autres aujourd’hui et demain y contribueront peut-être ». Au terme de la cérémonie d’hommage, Michel-Jean Labrousse a tenu « du fond du coeur et avec la plus grande sincérité » à remercier les personnels mais surtout les élèves pour avoir participé à la minute de silence. Une minute respectée scrupuleusement et qui a fait dire au chef d’établissement qu’il s’agissait « d’un silence qui a fait beaucoup de bruit ».
Pierre Gaudiot
p.gaudiot@jhm.fr
Des élèves impliqués
Au-delà de la minute de silence en présence de l’ensemble des élèves, cette matinée d’hommage a aussi été marquée par l’engagement d’une quarantaine de collégiens de 3e qui ont lu des textes dans différentes classes. Une manière pour eux de témoigner de leur volonté de faire prospérer les valeurs républicaines et de partage.
Chef d’établissement et instigateur de cette matinée commémorative, Michel-Jean Labrousse confie avoir été « très agréablement surpris par le nombre d’élèves qui se sont portés volontaires pour lire des textes ». En effet, initialement prévu pour intervenir face aux classes de 6e et de 5e , les lectures se sont aussi faites dans les classes de 4e et de 3e du fait de la forte mobilisation des élèves.
C’est ainsi qu’en binôme, les élèves de 3e volontaires sont passés dans les classes vendredi 15 octobre en début de matinée pour partager avec les autres collégiens un texte mettant en avant la signification de cet hommage mais aussi la portée de ce type de commémoration. Le second texte est celui que le chanteur Gauvain Sers avait écrit l’année dernière, quelques jours après le drame ayant couté la vie à Samuel Paty.
Figurant parmi les volontaires, Louanne, Mélina, Raphaël, Achille, Cassie et Léna ont rempli leur fonction avec beaucoup d’application. Ils ont cherché à transmettre par l’entremise de leurs voix l’émotion qui sied à ce type d’hommage mais aussi à partager avec des élèves, que bien souvent ils ne connaissaient pas, autour des notions d’esprit critique, de liberté d’expression et de tolérance. Le passage a aussi permis aux élèves de poursuivre la discussion avec leur professeur comme cela a été le cas pour une classe de 5e en cours d’EPS. Ainsi, ils ont pu aiguiser leurs esprits ou bien simplement trouver des réponses à des questionnements qu’ils pouvaient avoir.
L’exercice était d’autant plus intéressant pour les élèves qu’au-delà du témoignage, il leur a aussi permis de travailler leur éloquence et leur facilité à s’exprimer en public. Un exercice pas toujours aisé même si les volontaires ont pu un peu s’entraîner chez eux avant vendredi.
Hommage à Monsieur Samuel Paty
Il y a un an, le 16 octobre 2020, le professeur Samuel Paty était assassiné .
La commémoration de cet événement tragique doit, pour l’École de la République, être à la hauteur à la fois du traumatisme subi et des principes et valeurs qui ont été attaqués à travers cet assassinat.
L’École a en effet pour mission de former des individus libres, égaux et fraternels. Le terrorisme et ses idées en sont l’exact inverse.
C’est pour cette raison que l’École est le premier antidote face à ce fléau contemporain, parce qu’elle permet de forger l’esprit critique des élèves.
Le rôle de Samuel Paty, comme de tout professeur, était d’accompagner chaque élève vers les progrès de la connaissance, en confrontant les faits, les opinions, les analyses. Il a été assassiné dans l’exercice de cette mission essentielle.
Ce vendredi 15 octobre 2021 à 10h05, nous lui rendrons hommage en respectant une minute de silence dans la cour principale.
Une façon aussi, pour nous élèves, de montrer notre attachement aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.
Afin de compléter cet hommage, mon/ma camarade va vous faire lecture d’un texte écrit par Gauvin Sers quelques jours après ce drame.
1. Paraît qu’on s’habitue
Aux larmes de la nation
Ce matin, j’me suis tu
Sous l’coup de l’émotion
2. Paraît qu’on s’habitue
Quand l’infâme est légion
Tous ces hommes abattus
Pour les traits d’un crayon
3. Paraît qu’on s’habitue
À défendre à tout prix
Les trois mots qu’on a lus
Aux frontons des mairies
4. Paraît qu’on s’habitue
Quand on manque de savoir
Par chance, on a tous eu
Un professeur d’histoire
5. Paraît qu’on s’habitue
À la pire barbarie
Mais jamais j’n’y ai cru
Et pas plus aujourd’hui
6. Paraît qu’on s’habitue
Aux horreurs qu’on vit là
Mais l’innocent qu’on tue
Je ne m’habitue pas